Beaucoup de stress et de nervosité mêlés d'un soupçon de fatalité : c'est ce qu'on constate à l'approche de la fête de l'Aïd El-Fitr. Des familles entières ont investi, ces derniers jours, les magasins et les bazars pour habiller leurs progénitures, subissant à la fois les retombées de la dégradation du pouvoir d'achat et l'implacable loi du marché. Dans les propos des personnes rencontrées reviennent sans cesse les questions de “la cherté des prix”, du respect de “tradition” socioreligieuse et de la “succession des rendez-vous”, en référence à la rentrée scolaire, au mois de Ramadhan et à l'Aïd, synonymes de “fortes” dépenses financières. Partout dans la capitale, que ce soit à la rue Didouche-Mourad, à la rue Larbi-Ben-M'hidi, au marché Ali-Mellah du 1er-Mai, dans les rues de Bab-Azzoun, de la place des Martyrs ou ailleurs, les produits importés concurrencent rudement les produits locaux. Hier, au Tunnel des facultés, plusieurs colis de marchandises — des pantalons, des vestes, des pulls, des robes, des jupes — sont arrivés, vite déballés devant les regards curieux des acheteurs. “J'ai un fils adolescent qui me pose le plus de problèmes parce qu'il est trop exigeant pour ce qui est de la “mise”, nous confie un père de famille. Au boulevard Amirouche, au niveau des magasins qui se situent sous les arcades et dont la spécialité est le commerce de vêtements pour enfants, un de ces magasins suscite des mécontentements chez les clients. “Je voulais acheter un petit pantalon pour mon bébé de trois mois, mais je suis très déçue par les prix qui changent tout le temps. Il y a une semaine, le pantalon coûtait 600 DA. Le prix est monté à 850 DA, il y a deux jours, et à présent, on me réclame 950 DA pour un pantalon de quelques centimètres. Je ne vais rien acheter ici. Ce n'est pas sérieux”, se plaint une jeune maman, tout en déplorant l'absence de contrôle des prix par les services concernés. Des parents préfèrent se rabattre sur les magasins qui ouvrent droit à des facilités de paiement, s'endettant et renvoyant à plus tard le moment des comptes. D'autres se rapprochent de certaines boutiques où des vendeurs à la sauvette, qui pratiquent les soldes et “l'art de la négociation” des prix, dans des quartiers populaires où les bourses moyennes trouvent des produits à leur convenance. D'autres, enfin, n'ont pas tellement le choix et se tournent vers la friperie, en comptant parfois sur la solidarité familiale. C'est le cas de cette enseignante du “moyen”, mère de deux garçons âgés de 18 et 9 ans. “Un de mes frères vit en Angleterre. Il m'a envoyé des pantalons, des pulls et des vestes pour les garçons. Il m'a libéré d'un lourd fardeau. Comme mes fils aiment les baskets, j'ai réglé le problème en leur achetant une paire chacun, dans un magasin de friperie. Ça m'a quand même coûté plus de 2 500 DA”, raconte cette femme, qui n'omet pas de signaler avoir consacré ainsi un petit budget pour les gâteaux de l'Aïd. “Cette année, les amandes sont trop chères, leur prix varie entre 800 et 900 DA le kilo. J'utiliserai les cacahuètes et la noix de coco à leur place”, ajoutera-t-elle. Chez la famille de Djamila et Mohamed, on crie à la cherté de la vie, mais on admet par la même occasion que des “sacrifices” s'imposent pour habiller les quatre enfants, d'autant que c'est là “le seul achat de vêtements de l'année”. “Avec le plus petit, on n'a pas de problème, mais les trois adolescents recherchent “la marque” avant tout. Nous avons trouvé un compromis : je leur achète ce qu'ils désirent et ils me remettent tout l'argent récolté pendant la fête de l'Aïd”, déclare Mohamed avec un sourire entendu. Son voisin Zoheïr, moins chanceux professionnellement, fera certains choix : habiller sa progéniture avec du neuf, mais au prix bas. “La rentrée scolaire de mes deux fils et de ma fille a été éprouvante sur le plan financier. Le Ramadhan est vite arrivé avec de nouvelles dépenses. Heureusement qu'il y avait la viande congelée, la viande hachée et le poulet pour passer correctement ce mois sacré. Mais on n'a pas eu le temps de souffler et il faut à présent faire face aux dépenses de l'Aïd”, avoue Zoheïr, sans cacher son inquiétude sur le niveau de ses dettes. H. A.