Cette entreprise publique s'est avérée être au centre de la dernière recrudescence du commerce de la drogue. La majorité de son encadrement vient d'être inculpée. Derrière Digromed Constantine, issue de l'ex-Encopharm, un grossiste public de vente de médicaments, se cachait une véritable organisation criminelle du fait que les complicités, selon les premières conclusions de l'enquête, vont du directeur régional aux simples magasiniers. Un véritable coup dur pour le secteur économique public déjà accusé de bouffeur de trésorerie et de lieu de détournement par excellence de la rente. Déjà durant le mois d'août dernier, Constantine est devenue, selon les statistiques, une plaque tournante dans la commercialisation et la consommation de psychotropes au point où l'idée selon laquelle seule une forte “organisation” serait capable d'entretenir une telle activité criminelle, commençait à faire son petit bonhomme de chemin parmi les enquêteurs. En parallèle, plusieurs informations laissaient entendre que beaucoup d'anomalies caractérisent la gestion au sein de cette entreprise publique dont le siège est à Constantine. Les gendarmes, déjà tourmentés par la recherche de la source organisée derrière la spectaculaire hausse de la consommation de psychotropes, allaient trouver là une piste sérieuse à suivre. Les enquêteurs vont découvrir que la gestion au sein de la direction régionale Est de Digromed n'est pas des plus saines. Le laxisme est tel que des procédures de gestion importantes comme celles de la gestion des liquidités et des stocks ne sont pas respectées. Pis, les complicités touchent différents intervenants sans respect de la hiérarchie, allant du sous-directeur de l'unité de Sidi Mabrouk aux magasiniers en passant par les agents de saisie. À cela s'ajoute l'implication de personnes étrangères à l'entreprise dont un pharmacien et le gérant d'une officine, ce qui en dit long sur le pourrissement que connaît cette boîte. Aujourd'hui, dix personnes en tout ont été inculpées dont le directeur régional, le directeur commercial, le gérant de la pharmacie et la fille d'un haut responsable qui s'est retrouvée, malgré elle, au centre de ce scandale. Rien que pour le trafic des psychotropes, les têtes pensantes de Digromed Constantine recourent aux faux et usage de faux. Ainsi, afin de sortir la marchandise des stocks, des factures de vente du psychotrope Rivotrel, entraînant l'établissement de bons de sortie de stocks et de livraisons, sont libellées au profit de pharmacies connues sur la place constantinoise. Après un certain temps, des factures d'escompte sont libellées au nom de ces mêmes pharmacies constatant le retour des médicaments en stock sous forme d'invendus. Ces dernières feront l'objet de procédures de destruction relatives aux produits périmés, mais seulement dans la théorie. Ensuite, il sera procédé à l'écoulement de ces produits sur le marché parallèle pour ne pas dire à travers un réseau de dealers vivant à la périphérie de Digromed. La partie la plus importante de ces psychotropes a été écoulée par la pharmacie que détient la fille d'un haut responsable et à son insu. Selon des sources concordantes et sûres, les différentes enquêtes ont conclu à la non-implication de cette dernière. Selon ces mêmes sources, c'est le gérant de cette officine, profitant de la longue absence de la pharmacienne, qui, et avec la complicité du premier responsable local de Digromed, approvisionnera dealers et consommateurs. Et comme si cela ne suffisait pas, les responsables de Digromed, dont les comptes comptables sont consolidés, déclarent dans leurs chiffres d'affaires ces ventes fictives, paient l'impôt et les taxes afférentes et le comble, envoient le G104 aux services de la fiscalité rendant ces officines redevables devant le fisc ! Par ailleurs, et en contradiction avec les procédures usuelles de ventes dans l'entreprise où seuls les paiements par chèques sont acceptés, plusieurs ventes ont été effectuées grâce au paiement comptant au sein de la caisse de Sidi Mabrouk. L'enquête a fait ressortir que 38 bons de caisse ont été délivrés au profit de 16 officines pour un seul exercice. Afin de brouiller les enquêteurs, deux tentatives d'effacer les traces du crime ont été effectuées par les responsables de Digromed. Une autre tentative a été faite quand un pharmacien a essayé de venir au secours des responsables de Digromed en s'acquittant du montant des factures douteuses par des titres de paiement falsifiés. C'est dire les ramifications du réseau de trafic qui s'est tissé autour d'une entreprise publique. Avec ce scandale, les services de sécurité découvrent, une fois de plus, que la criminalité prend des proportions alarmantes, et laisse place au crime organisé. M. K.