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Téléza, la fille de la fontaine bénie
un été à Collo
Publié dans Liberté le 15 - 08 - 2004

La route menant de Constantine à Collo comporte une étape paradisiaque : Téléza. Une plaine et une baie de toute beauté que les Colliotes, mais aussi des estivants venus des quatre coins du pays reconquièrent peu à peu, après des années d'absence.
Pour rejoindre Collo à partir de Constantine, à hauteur du liedit Guin Guita, les dos d'âne se succèdent sans raison et dans une anarchie totale. Au lieu dit Qahouat Aïbèche, du nom du premier commerce autour duquel a pris forme aujourd'hui tout un village, 40 kilomètres avant d'arriver à Collo, c'est carrément une “montagne” qui est dressée sur la route des visiteurs de Collo.En dépit de ces embûches, notre désir d'aller à la rencontre de la belle de la forêt du chêne-liège augmente. Les 108 kilomètres qui séparent Collo de Constantine sont parcourus en 2 heures de temps au lieu d'une heure et demie. C'est le prix à payer pour voir Collo en ses meilleurs jours : l'été.
Notre première escale est la baie de Téléza. Longue de 7 kilomètres, elle prend forme au niveau de la fontaine des sangliers, du côté de Collo, et s'étire jusqu'au mausolée de Sidi-Benzouit, du côté de Kerkera.
Dix kilomètres avant d'arriver à Collo, c'est le village de Kerkera. Telle une fille d'honneur, cette localité offre aux visiteurs, à travers son marché quotidien, des fruits et des légumes de Guermadjana, une corbeille de bienvenue. Figues, pêches, poires et pommes fraîchement cueillies dans les fermes de la plaine de Téléza sont proposées à des prix insensibles à la mercuriale des grandes cités. Kerkera, appelée aussi El-Achra, est réputée dans tout le nord constantinois pour la place qu'occupe la femme dans ce village. Ici, la majorité de l'économie locale est gérée par la gent féminine.
Dès 4 heures du matin, des processions de femmes quittent le village pour rejoindre les champs en empruntant la route de Collo. Leur départ au labeur, qui à pied, qui à bord de pousse-pousse, qui sur des tracteurs, est un tableau que les usagers de la route commentent chacun selon son humeur matinale.
Des femmes industrieuses
Ces paysannes tiennent aussi l'essentiel des commerces du village. Il ne s'agit pas de prête-noms, mais de véritables femmes ayant monté des affaires qui en commençant par l'agriculture sont arrivées à investir la restauration et le transport, après avoir être passées par les matériaux de construction. La saga de “Guermia de kerkera” est l'histoire d'une réussite sociale loin aussi bien de l'interventionnisme de l'état que des plaintes des féministes d'occasion.
Quatre kilomètres avant d'arriver à Collo, nous empruntons une bifurcation à droite, à hauteur du centre de formation professionnelle. la bâtisse a été évacuée l'année passée par les troupes de l'ANP qui se sont redéployées à l'intérieur du pays, signe de l'amélioration de la situation sécuritaire que connaît la région.
La route mène vers la baie de Téléza où est implanté l'essentiel des infrastructures d'accueil des estivants.
Au commencement, c'est l'hôtel Torche, du nom de son propriétaire, qui ouvre la voie. il s'agit du premier investissement privé dans l'hôtellerie de la période post-indépendance dans la région.
Depuis deux années, les gérants arrivent à le faire fonctionner aussi durant la basse saison. Un véritable succès si on se rappelle qu'il y a cinq ans, alors que la région sortait d'une longue nuit de barbarie, le sinistre sanguinaire Bouaza, comme pour saboter toute l'économie de la région, y mena une expédition durant laquelle deux jeunes du contingent y laissèrent leur vie. C'était la veille de l'ouverture de la saison estivale 2000. Depuis, Bouaza a été abattu par les patriotes, la casemate qui se trouvait dans la maison de ses parents, située à 100 km de l'hôtel, détruite et la baie a retrouvé la paix. En cette première semaine du mois d'août, l'établissement “affiche complet”, comme aime à le répéter le réceptionniste du jour.
Juste après, c'est la pinède. Un ensemble de chalets réalisés par un urbaniste. La dizaine de chalets qui constituent le mini-centre touristique sont occupés de la mi-juin à la fin août. Pour l'exploitant, “il s'agit d'une clientèle que j'ai pu fidéliser tout au long de deux décennies”.
À quelques encablures de ces gîtes se trouve un autre ensemble d'une quarantaine de bungalows qui datent des années 1980. Les murs, propriété de la municipalité, sont cédés à l'année à des locataires venant de tous les coins du pays. Délaissées durant les années 1992-1996, les chalets sont aujourd'hui tous occupés six mois sur douze animant une zone qui ne vit que par et pour le tourisme balnéaire. L'histoire de ces chalets résume celle de la zone touristique de Téléza. Ici, à El-Djoun des mamans touristes ont donné vie à de futurs collophiles. Seules les étendues du sable doré connaissent le nombre de ces histoires d'amour qui ont agrémenté les soirées estivales humides des lieux. Une grande partie d'entre elles se sont terminées par des mariages comme dans un feuilleton rose. C'est l'été avec son alchimie faite de soleil, de sable et de bleu.
Après les chalets du Djoun, les centres de colonies de vacances sont alignés l'un à côté de l'autre. Le premier est celui de la Sonatrach. Chaque été, ce sont des centaines de colons, des enfants de la tire-lire du pays, qui viennent découvrir les plaisirs de la mer. Le centre, impeccablement entretenu, est entièrement intégré dans le paysage local. C'est à partir de ses cuisines que sont nourris la majorité des agents de l'Etat intervenant dans la gestion de la zone. C'est aussi à partir de ses compteurs que sont alimentées en électricité les autres infrastructures de la commune. Cette année, le centre a ouvert ses portes dès la mi-juillet, recevant des cessions de 14 jours chacune.
Juste après, c'est le centre de colonie Altro. Une entreprise publique spécialisée dans les travaux des routes et dont le siège social est à Skikda. Ici, aussi, les lieux sont d'une présentation et d'un cadre de vie exemplaires. Une centaine de colons et de familles de travailleurs de cette florissante entreprise publique sont en campement. Baignade, découverte de Collo et animation rythment les jours de chaque session.
Le centre Digromed “réaffecté”
Après le centre de colonie d'Altro, c'est celui de Digromed-Constantine (ex-Encopharm) qui clôture la série. Ici, le cadre est dégradé reflétant la situation économique d'une entreprise publique spécialisée dans la vente en gros du médicament et qui a du mal à se frayer un chemin dans un marché où seuls les plus performants ont droit à une place au soleil.
Malheureusement, les enfants des travailleurs de cette entreprise n'ont plus droit, depuis des années, à ce soleil qui brille dans le ciel de Collo.
Cette année, seules quelques familles de travailleurs de cette entreprise ont tenu à séjourner dans des dortoirs pour colons transformés en chalets. Dans l'aire de jeu, Digromed “sous-loue” des espaces aux estivants “grand public” pour installer leurs tentes. Le nombre de ces derniers est plus important que celui des travailleurs de la boîte. Une initiative qui permet aux amoureux du camping sauvage de trouver un site où passer des vacances et aux œuvres sociales de Digromed de réaliser des recettes sur vente. Une bonne affaire pourvu qu'elle soit légale. Juste après ce centre, c'est un autre ensemble de chalets de villégiature qui se dresse aux frontières entre Téléza et Benzouit. Appartenant au patrimoine de la wilaya de Skikda, leur gestion a été cédée à la commune de Collo à la fin des années 1990. Aujourd'hui, le site est occupé à 80% durant toute l'année.
Ce sont surtout les locataires originaires de Collo qui forment cette espèce d'estivants qui a tendance à prolonger l'été indien au maximum. Quoi de plus normal : une beauté appréciée avant tout par les siens ! On ne peut visiter la baie de Téléza sans effectuer une virée dans ce qui a fait sa réputation : les deux campings familiaux qui datent des années 1980.
Le premier, réalisé par le touring club Algérie, d'une capacité de 870 tentes est situé entre les centres de colonie d'Altro et de Digromed. Il est géré depuis maintenant trois années par les œuvres sociales de Sonatrach sur concession de l'APC de Collo. Une quarantaine de familles des travailleurs de l'entreprise se succèdent sur le site en sessions. À l'intérieur, c'est la vie d'un village qui est reproduite avec ses commerces, ses odeurs de tadjine mijotant émanant des cuisines collectives et ses espaces de convivialité autour d'un thé.
Le second est situé à l'extrémité de la plage. D'une capacité de 100 tentes, il a été cédé depuis cette année et pour trois ans en concession par l'APC de Collo aux œuvres sociales de Naftal. Une cinquantaine de familles de cette boîte y ont élu domicile l'espace d'une session. Ici, les estivants sont des habitués des lieux et ils passent les vacances ensemble depuis des années. Comme dans le premiers campings, l'hygiène des lieux est exemplaire et l'image des tentes aux couleurs de l'été dressées sous les eucalyptus lance une espèce d'invitation à l'évasion. Nous quittons Téléza pour continuer notre route vers Collo. À deux kilomètres avant d'arriver à notre destination, nous nous arrêtons à la plage la fontaine des sangliers. C'est Ici que commence la baie de Téléza qui s'arrête 7 kilomètres plus loin à la plage de Benzouit. La plage de la fontaine, connue aussi sous l'appellation de Aïn Laksab, a été la plus fréquentée de toute la région avant que les espaces sablés ne soient affectés aux entreprises chargées de la réalisation de l'extension du port de pêche de la ville. Aujourd'hui, une grande partie de ces espaces a été évacuée, et les estivants ont retrouvé leurs lieux préférés. Cette année, un hôtel-appartements a vu le jour au niveau de la station multiservice Baâziz. L'établissement, composé de chambres avec cuisine, affiche complet depuis le 14 juillet dernier. Pour Khaled, le gérant, un technicien supérieur en tourisme, aucun appartement ne sera libre avant le 30 de ce mois d'août. Dans l'établissement, l'essentiel de la clientèle est constitué de familles d'enseignants universitaires. Pour l'un d'eux, “l'hôtel bénéficie de plusieurs atouts dont la réputation de Collo, la qualité de la prestation et la renommée de la plage la fontaine des sangliers”. En face de cet établissement, de l'autre côté de la route, se trouve les pieds dans l'eau la source qui a donné son nom à la plage. “la fontaine des sangliers existe depuis que Collo est Collo”, nous racontent des vieux de la ville. C'est à partir de ce lieu où se terminent les criques de Ksir El-Bez que commence la baie de Téléza. C'est ici qu'a vu le jour le premier camping-restaurant de la région et qui remonte à l'ère coloniale.
Un site réaménagé
Cette année, le site, propriété privée, a été réaménagé. Des abris de plage sont dressés et loués à la journée. L'espace peut aussi accueillir dans ses tentes des familles en quête d'un lieu sûr de campement à la semaine où toutes les commodités sont réunies. C'est l'unique centre de vacances, en toile, privé dans la région.
La plage de la fontaine des sangliers est réputée pour l'eau de sa source qui coule à longueur d'année et aussi pour son eau de mer. Sa source d'eau potable est très prisée pour ses bienfaits. Elle est surtout recommandée aux personnes stressées. Son eau de mer, elle, est connue dans tout l'est algérien pour ses effets thérapeutiques. On vient de partout offrir une baignade à un proche souffrant de troubles nerveux et psychiques. De véritables cures de balnéothérapie sont organisées par les proches des patients sous le regard des estivants et des passants. Cette tradition qui remonte à loin dans le temps est confortée par les récents résultats des recherches en thalassothérapie. C'est le tourisme de santé par excellence. Ainsi, la baie de Téléza est le fruit d'une source bénie, la fontaine des sangliers, et d'un saint, Sidi Benzouit. Selon la légende, les effets thérapeutiques de cette eau de mer sont dus à la baraka de Sidi Benzouit, dont le mausolée est situé à l'autre extrémité de la plage du côté de Kerkera. Jusqu'à une date récente, on organisait chaque année une zerda à son honneur. L'année suivante, toujours selon la légende, le nombre de guérisons par balnéothérapie augmente, alors que le nombre des noyades diminue dans les eaux de mer de la localité.
La baie de téléza est le fruit de ce mariage entre une source, un saint et leurs légendes.
M. K.


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