Invité hier à la radio Chaîne I, Mohamed Maghlaoui, ministre des Transports, a estimé que les raisons du naufrage du Béchar sont à chercher ailleurs que dans les négligences humaines. Fortement attendue, l'intervention du ministre des Transports, qui devait apporter des éclairages sur les tenants et les aboutissants du naufrage du Béchar, aura finalement ajouté de l'eau au moulin de ceux qui soupçonnent de graves négligences humaines dans cette terrible catastrophe. Visiblement soucieux de ne mouiller aucun responsable à quelque niveau que ce soit, Mohamed Maghlaoui donne déjà un avant-goût de ce que seront les conclusions de l'enquête qu'il a lui-même diligentée. “Je ne peux pas parler de négligence”, a lancé d'entrée le ministre, balayant ainsi toute défaillance des équipages des deux navires ou des autorités portuaires. Lors de son intervention hier dans l'émission Tahaoulet de la Chaîne I, M. Maghlaoui s'est échiné à démontrer l'impossibilité de sauver les deux navires en raison de la violence du vent et de la hauteur des vagues. Conclusion, notre ministre s'en est presque remis à la fatalité divine pour expliquer l'étendue de la tragédie mais surtout qu'il n'y avait donc pas de négligence dans le dispositif de sauvetage. “Il était impossible d'intervenir avec un vent de 120 km/h et des vagues de plus de 10 mètres…”, résume M. Maghlaoui. Il se trahit cependant en précisant que le commandant de bord aurait dû lancer un SOS dans la mesure où il a reçu un bulletin météo spécial (BMS) dès 10h. Or, ce dernier ne l'a fait qu'à 15h 53 mn précises. Il s'agit donc bien d'une flagrante négligence. Plus grave encore, le ministre révèle que l'officier mécanicien du bateau était étrangement absent à bord au moment des faits. “L'officier mécanicien était absent alors qu'il a un rôle très important sur le navire…”, lâche-t-il, mettant ainsi le doigt sur la plaie. Ceci pour les anomalies à bord. S'agissant de l'état des navires, le ministre confirme que le Béchar est en rade depuis 2001, et qu'il devait être réparé pour être vendu : “Il était prévu de l'envoyer dans les ateliers de Béjaïa le 25 de ce mois pour le retaper.” En clair, ce bateau n'est pas conforme aux règles de navigation et est véritablement un “cercueil flottant”, comme le martèlent les officiers du Snommar (lire ci-dessous). Pis encore, le ministre des Transports qui est, soit dit en passant, la tutelle de la Cnan soutient que la flotte de cette entreprise est dans un état “lamentable” : “Vous savez, Cnan Group est dans une situation financière difficile et n'assure que 10% de l'ensemble du commerce maritime.” Fataliste, M. Maghlaoui affirme que si cette entreprise avait de l'argent, elle aurait justement pu réparer ses navires… Il n'a bien sûr pas expliqué pourquoi Cnan Group est maintenu sous perfusion au point où une telle catastrophe survienne. Y a-t-il un plan de renouvellement de sa flotte ? “On y réfléchit”, s'est-il contenté de dire, tout comme il a promis l'acquisition de trois remorqueurs pour les ports d'Alger, de Skikda et d'Arzew. Et pour cause, le représentant du gouvernement a reconnu que notre pays ne dispose d'aucun engin pour ce genre d'opérations ni d'hélicoptère de sauvetage. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle une aide d'urgence a été demandée aux autorités espagnoles. Même s'il s'est gardé de situer les responsabilités, le ministre n'a pas pu cacher les nombreuses négligences et anomalies qui, réunies, ont mené droit vers le naufrage du Béchar. Il reste à savoir si la commission d'enquête qui rendra ses conclusions dans “quelques semaines” fera la lumière sur cette affaire. Mais on sait déjà que des “têtes” ne vont pas tomber, d'après le propos du ministre. H. M.