Kiev et les plus importantes villes ukrainiennes vivent depuis l'annonce des premiers résultats de l'élection présidentielle au rythme de la contestation populaire. Le risque d'un embrasement généralisé n'est pas à écarter au vu des positions de plus en plus radicales des deux postulants à la magistrature suprême ukrainienne. En effet, appelé au dialogue par le président sortant, le candidat de l'opposition refuse l'offre. Si les partisans du candidat pro-russe, Viktor Ianoukovitch, sont peu nombreux sur le terrain, ceux de son rival, Viktor Iouchtchenko, déferlent dans les rues des plus grandes villes du pays contestant le verdict des urnes. Ils accusent ouvertement le pouvoir d'avoir confisqué leurs voix. Ces accusations sont corroborées par les observateurs internationaux, qui sont unanimes à dire que le scrutin n'a pas été transparent. En somme, il s'agit de la confiscation de la volonté populaire comme c'est encore le cas dans de nombreux pays du tiers-monde. Cela étant, la commission électorale n'a pas hésité hier à confirmer la victoire de Ianoukovitch, par un écart de trois points, 49,54% contre 46,66%. L'officialisation de ces résultats ne fera que compliquer la situation sur le terrain, où l'armée ukrainienne éprouve toutes les peines du monde à se maîtriser. En dépit de toutes les irrégularités signalées, le président russe, dont les intérêts en Ukraine sont très importants n'a pas hésité à féliciter son favori, prenant le risque de s'aliéner tout l'Occident. La sortie du maître du Kremlin n'a fait qu'accentuer la colère de la rue ukrainienne, plus que jamais déterminée à s'opposer à l'intronisation de Viktor Ianoukovitch, auquel elle n'a pas accordé ses voix. D'ailleurs, tous les sondages à la sortie des urnes donnaient Iouchtchenko vainqueur. Le parlement ukrainien est partagé entre les deux candidats. 191 des députés ont proclamé Iouchtchenko président, défiant ainsi le président sortant Léonid Koutchma, encore aux ordres de Moscou. En attendant, Iouchtchenko, qui bénéficie du soutien des Etats-Unis et de l'Union européenne, n'a pas l'intention de se laisser faire. Tout indique que le conflit ne trouvera son issue qu'avec l'accord de Vladimir Poutine. Le chef de l'Etat russe devra faire le choix entre les intérêts de son pays en Ukraine, où se trouvent toutes les centrales nucléaires de l'ex-URSS, et un bras de fer avec l'Occident, qui ne semble nullement disposé à passer l'éponge sur la mascarade électorale de Kiev. Trop d'irrégularités ont été relevées et certains observateurs ont totalement remis en cause les chiffres avancés par la commission électorale. Ainsi, les Pays-bas, qui préside l'Union européenne, a clairement fait état de ses doutes quant à l'irrégularité du scrutin dont les résultats sont loin de refléter correctement le comportement du corps électoral tel que rapporté par ses observateurs. Quant aux Etats-Unis, ils ont clairement affiché leur mécontentement face aux manœuvres visant à faire élire Viktor Ianoukovitch en qualité de président. Reste à savoir maintenant si Poutine, dont le pays fait face à d'énormes difficultés économiques et qui a besoin du soutien financier occidental, pourra se permettre de contrarier Washington et Bruxelles. K. A.