En annulant les résultats du second tour, la Cour suprême a fait droit aux réclamations de l'opposition et relance la course à la présidence. Viktor Iouchtchenko, le leader et candidat de l'opposition à l'élection présidentielle, vient d'emporter une importante victoire contre son challenger Viktor Ianoukovitch. En effet, appelée à trancher dans le différend entre les deux postulants à la présidence de l'Etat, la Cour suprême de Kiev a donné droit aux réclamations de l'opposition et reconnu qu'il y a eu fraudes décidant en conséquence d'annuler l'ensemble des résultats du second tour du scrutin du 21 novembre, invitant la commission électorale centrale à organiser un nouveau second tour. C'est dans la soirée de vendredi que la Cour suprême, après des délibérations qui ont duré sept heures, a rendu son verdict, ordonnant dans le même temps à la commission centrale électorale «de fixer la date d'un nouveau second tour» du scrutin. Le verdict est définitif et ne peut faire l'objet d'aucun recours rappelait vendredi la Cour. Aussi, par son jugement, la Cour suprême a de fait, admis le bien-fondé des réclamations de l'opposition, rejetant en revanche les sollicitations du pouvoir, lequel demandait, soit l'invalidation partielle, soit l'annulation totale du scrutin présidentiel avec en perspective l'organisation d'une élection partielle dans les régions dont les résultats sont fortement contestés, -notamment les régions de l'Est du pays (fiefs du Premier ministre, Viktor Ianoukovitch, dont la victoire du 21 novembre est ainsi annulée)- soit repartir à zéro par la tenue d'un nouveau scrutin. En ne prenant en compte que les résultats du second tour, -ceux du premier tour n'ayant été contestés par personne-, la Cour suprême est ainsi restée dans la logique de la loi électorale en invalidant globalement et dans le détail le second tour. L'opposition dans une première réaction, a estimé par la voix de l'un de ses députés, Mykola Katerentchouk, que «c'est une grande victoire pour la démocratie, une décision historique de la Cour qui a protégé la démocratie et les droits du peuple ukrainien». Cependant, en fin de matinée hier, le pouvoir à Kiev n'a toujours pas réagi à la décision d'annulation prise par la Cour suprême. Le candidat pro-russe, Viktor Ianoukovitch, a lui aussi gardé le silence, mais l'une de ses porte-parole a affirmé hier que M.Ianoukovitch «a l'intention de participer» au nouveau scrutin dont la date est fixée pour le 26 décembre prochain. Hier en Ukraine, on spéculait autour d'un possible retrait de M.Ianoukovitch et les conséquences qui pouvaient en découler. Toutefois, la loi électorale a prévu un tel cas de figure et ce serait alors au candidat du Parti socialiste, Olexandre Moroz, arrivé en troisième position, d'affronter le candidat de «Notre Ukraine», Viktor Iouchtchenko. Pour le moment, il semble qu'on n'en est pas là, mais tout reste possible, dans une élection qui a eu le mérite toutefois de montrer que les institutions ukrainiennes mises en place au lendemain de l'indépendance de 1992 fonctionnent et que, malgré les survivances tenaces des pratiques de l'époque soviétique, l'opposition pouvait encore réclamer son droit. Et c'est là un bonne note pour les institutions ukrainiennes qui affrontaient lors de cette présidentielle leur véritable épreuve politique. Il est certain que les choses auraient été autrement si la décision de la Cour suprême avait été autre. Toutefois, elle reste toujours en filigrane, la menace de partition de l'Ukraine que brandissent les partisans du Premier ministre qui veulent organiser un référendum dans une région (l'Est du pays) dominée par une population russophone, totalement acquise à Moscou. Unanime, l'Occident et singulièrement l'Union européenne, ont salué la décision de la Cour ukrainienne d'invalider les résultats du second tour et d'ordonner l'organisation d'une nouvelle consultation. Ainsi, appelant toutes les parties à respecter la décision de la Cour suprême, Javier Solana, Haut représentant de la politique étrangère de l'UE, a déclaré: «L'Union européenne a toujours appelé à une solution de la crise politique par la voie légale et en conformité avec les procédures constitutionnelles du pays» ajoutant: «J'appelle toutes les parties et toutes les institutions en Ukraine à coopérer pleinement à la mise en application de la décision de la Cour en vue de la tenue d'élections libres, équitables et transparentes». Si, l'Occident a, dès vendredi soir salué le verdit rendu par la Cour ukrainienne, en revanche, à Moscou hier, c'était toujours le silence radio et aucune réaction n'est venue du Kremlin, alors que le président Poutine avait été le premier à féliciter, un peu rapidement, le candidat pro-russe, Viktor Ianoukovitch, pour sa «victoire» le 21 novembre. Les prochains jours seront difficiles pour toutes les parties, tant pour le camp du candidat du pouvoir, qui doit au préalable confirmer sa participation au second tour, que pour l'opposition qui a certes, remporté une victoire au plan juridique, mais qui doit maintenant concrétiser au plan politique en gagnant le second scrutin du 26 décembre.