Il y a toujours eu deux façons d'analyser les contraintes qui pèsent sur le secteur du BTPH en Algérie et qui l'empêchent de réaliser tout le potentiel de croissance offert par le marché. La première est celle de partir des contraintes récurrentes signalées par les entrepreneurs locaux et leurs diverses associations. La seconde est celle de partir des constats souvent négatifs faits par les maîtres d'ouvrages et autres usagers en termes de retards de livraison, de surcoûts et de mauvaise qualité des ouvrages. L'une nourrissant les insuffisances relevées par l'autre et réciproquement, il convient de procéder de ces deux façons, simultanément, pour espérer identifier les raisons profondes qui empêchent l'essor, aux standards internationaux, de ce secteur. En effet, à ce jour, aussi bien les contraintes avancées par les premiers que les constats négatifs sur les ouvrages et infrastructures relevées par les seconds ne se limitent finalement qu'à reporter la responsabilité sur l'autre partie prenante. On ne peut pas aller loin si l'on s'en tient à cette manière de procéder. De ce point de vue, le seul exercice national fécond et utile a été celui qu'a initié la 15e Tripartite du 10 octobre 2013 qui lui a consacré un dossier à élaborer conjointement par les deux parties. Une autre approche intéressante, de ce point de vue là également, a été celle de Luis Santos Del Valle, président de la Confédération Asturienne de la Construction Asprocon, qui a introduit huit entreprises espagnoles en Algérie. Il disait ainsi dans une interview accordée au quotidien l'Econews du 13 août 2014, qu'"en Algérie, c'est le rythme de travail qui est lent et il nous pose problème car nous sommes habitués au rythme rapide". Pointant du doigt là la faiblesse de la productivité, il ajoute deux éléments d'inefficacité du secteur du BTPH algérien : "l'absence de classification des sociétés" locales et "la lourdeur du processus administratif" ajoutée à "l'absence du statut juridique pour certaines entreprises algériennes". Il entend par ce dernier point le caractère personnel ou familial de la grande majorité des entreprises algériennes du BTPH l'excluant de certaines formes de financement et des grands projets par l'effet induit sur la taille et la faible surface des garanties offertes. A l'inverse, les deux séries d'exemples que je vous propose illustrent à quel point l'approche unilatérale de la problématique du secteur par l'une des deux parties aboutit à suggérer de fausses solutions à de vrais problèmes. Ainsi, Abdelmadjd Dennouni, président de la Confédération générale du patronat du BTPH (CGP-BTH), nous disait, dans la revue en ligne BTP-DZ.com du 25 mai 2013, qu'il fallait "défiscaliser l'importation du ciment" pour en faciliter l'acquisition par les PME locales. Il entendait sans doute par là le désarmement tarifaire de ce produit. C'est une fausse solution à un vrai problème. La levée durable de cette contrainte réside dans l'accélération des programmes engagés de réalisation de cimenteries en Algérie. Imaginons que l'on aurait mis en œuvre l'idée suggérée pour les briques par exemple. Ce faisant, nous n'aurions jamais couvert, par le réseau de briqueteries algériennes, les besoins du secteur pour ce produit et nous aurions continué de l'importer à ce jour. De l'autre point de vue, lorsque les maîtres d'ouvrage et les donneurs d'ordre délivrent des injonctions aux entreprises réalisatrices pour des retards que ces derniers ont largement contribué à créer par leur propre retard de paiements de situations de travaux, c'est également de fausses solutions à de vrais problèmes. Certains entrepreneurs du BTPH de la wilaya de Tizi Ouzou, affiliés à l'Union générale des entrepreneurs algériens (UGEA), dénoncent "le retard excessif des paiements qui durent dans certains cas jusqu'à une année, voire plus". Dans le droit positif on ne peut pas exiger du cocontractant ce que soi-même on ne respecte pas. Il reste donc que le traitement des contraintes du secteur, qui sont finalement celles des entreprises et des donneurs d'ordres, ne peuvent être levées que conjointement dans une démarche positive. Les pistes déjà balisées dans le rapport ad hoc de la tripartite peuvent en constituer la base de départ. Ceci dit, des progrès sont palpables dans certains groupes du secteur, à l'instar du groupe Cosider, employant 28 575 salariés, qui a non seulement diversifié son portefeuille d'activités mais qui a consolidé ses résultats financiers en 2013. Qu'on en juge : un chiffre d'affaires de 67 milliards DA, soit une augmentation de 17% ; une valeur ajoutée de 43,7 milliards DA, soit une augmentation de 50%, et un excédent brut d'exploitation de 23,5 milliards DA, soit une augmentation de 15%. Si la problématique de la ressource humaine été réglée pour les gros œuvres, il n'en demeure pas moins que Cosider rencontre toujours la contrainte des corps d'état secondaires. C'est d'ailleurs un problème général du secteur lorsque l'on voit la mauvaise qualité des travaux engagés par certaines APC et même de gros donneurs d'ordre. La solution proposée est celle du développement et de l'encadrement du tâcheronnat par la formation et le suivi des travaux. Une telle solution gagnerait à être généralisée à tous les grands groupes et les grosses PME du secteur. On aurait pu parler des grands groupes privés du secteur du BTPH qui ont émergé au cours de cette décennie. Ils ont la capacité de se professionnaliser mieux et de grandir davantage, à l'instar de leurs homologues égyptiens ou turcs présents chez nous. Mais "peu importe que le chat soit gris ou noir, pourvu qu'il attrape les souris", comme répondait Xiaoping Deng lorsqu'on l'interrogeait sur les places respectives du secteur public et privé dans le processus d'émergence de l'économie chinoise. Pour conclure, je reste toujours favorable à l'acquisition des groupes de BTPH européens, en difficulté de marché chez eux, pour augmenter par acquisition externe nos capacités nationales de réalisation. La seule formule 51/49 ne me paraît pas suffisante dans ce cas. De plus, ce sont des parts de marché offertes sans contreparties. Vous savez, dans la mondialisation et la situation de crise dans laquelle se trouve l'Europe, tout peut se négocier. Le tout est de bien savoir ce que l'on veut. La preuve : le renouvellement de notre contrat d'exportation de GNL vers la Turquie, assorti d'une augmentation de quantités. Est-il venu compenser le recul de nos exportations de gaz vers l'Italie ? On finira par le savoir. M. M.