Lancée comme un immense défi économique, mais surtout politique, la réalisation d'un million de logements durant le second quinquennat de Bouteflika s'avère, au fil des mois, être un projet chimérique. Le patron de Cosider vient de tirer la sonnette d'alarme. Intervenant hier sur les ondes de la radio Chaîne III, M. Bourahli a estimé que la réalisation d'un tel programme relève d'une gageure. A voir la cadence actuelle de l'évolution des chantiers, je ne vois comment on pourrait respecter les délais... », avoue le PDG de Cosider qui doute fort des capacités de réalisation des entreprises publiques et privées nationales. Il en veut d'autant plus qu'une année ait été déjà consommé du délai alors que ce projet n'est pas encore « mature ». En clair, et contrairement aux discours triomphalistes du chef du gouvernement, le projet de un million de logements demeure à ce jour au stade de... projet. Le responsable de cette entreprise, à laquelle devrait échoir la construction d'une bonne partie de ce programme, souligne que les entreprises algériennes du bâtiment sont insuffisamment outillées pour faire face à un tel défi économique. M. Bourahli explique également que les moyens matériels et humains disponibles sur le marché du bâtiment sont sans commune mesure avec l'enjeu de un million de logements qui plus est en cinq ans. Pessimiste, le PDG de Cosider évoque les nombreux programmes lancés depuis longtemps et qui restent en souffrance à cause des facteurs endogènes et exogènes aux entreprises. Pour lui, il y a d'abord un problème de « maîtrise des ouvrages ». En l'occurrence, l'improvisation dans ce genre de projets fait que les délais de réalisation sont extensibles à n'en plus finir. Et quant un tel constat émane d'un responsable de la plus grosse boîte du bâtiment en Algérie, il est loisible de conclure que le projet présidentiel que Bouteflika envisage d'exhiber comme un trophée de guerre en 2009 risque d'être compromis. Et la présidente de l'Ordre des architectes a apporté de l'eau au moulin de M. Bourahli. Mme Bouhired doute, elle aussi, de la capacité du gouvernement à concrétiser ce programme frappé, à ses yeux, du sceau de « la précipitation ». Mais au-delà du caractère aléatoire de ce projet, l'invitée de la radio accuse ouvertement les pouvoirs publics de faire du « bâclage ». Mme Bouhired estime que le gouvernement se soucie moins de la qualité des ouvrages que du respect des délais. Et à ce titre elle s'élève contre « l'exclusion » des architectes dans la maturation de ce programme alors que, d'après elle, « les études sont plus importantes que la réalisation en elle-même ». « Je ne comprends pas pourquoi les architectes n'ont pas été associés dans le lancement de ce programme alors que ce sont eux qui devraient déterminer sa faisabilité technique. » Et à la président de l'Ordre des architectes de tonner que « l'Algérie est le seul pays au monde où l'on fait les choses à l'envers ». Mme Bouhired fait évidemment référence aux études techniques qui devraient servir de soubassement au lancement effectif des projets. Or, force est de constater, selon elle, que ce volet est superbement ignoré, y compris dans cet ambitieux programme. « La logique veut que l'on prenne plus de temps dans les études que dans la réalisation, mais chez nous c'est exactement le contraire qui se produit ! », soutient-elle. Résultat : les chantiers connaissent des retards énormes, quand ils ne sont pas simplement à l'arrêt. C'est ce qui alimente, selon elle, la tension sur le logement en Algérie en ce sens que les programmes sont rarement livrés dans les délais ; et quand ils le sont, c'est fatalement au détriment de la qualité. Autant dire que le million de logements promis par le président de la République fond chaque mois un peu plus.