Dans cet entretien, Mohamed Guemmama explique la spécificité de la wilaya de Tamanrasset et les mesures qui doivent être prises pour éviter la propagation du virus du Sida. Liberté : Pouvez-vous nous expliquer l'apport de votre association aux malades atteints du sida ? Mohamed Guemmama : Notre grand défi se situe au niveau des populations vulnérables potentiellement exposées à cette pathologie, particulièrement les personnes âgées entre 24 et 49 ans, les nomades, les migrants et les détenus. Notre plan d'action cible aussi les populations à haut risque, à savoir les travailleurs du sexe et les UDI (utilisateurs de drogues injectables). Depuis sa création en 2011, l'association a mis en place une cellule d'écoute, d'orientation et d'information au profit des PVVIH (Personnes vivant avec le virus de l'immunodéficience humaine). Des consultations psycho-juridiques sont ainsi effectuées par des adhérents spécialistes en faveur de la classe juvénile et les porteurs du virus auxquels nous avons toujours signifié notre soutien et notre élan de solidarité. Quel bilan faites-vous sur cette pathologie à Tamanrasset ? Les dernières statistiques obtenues par le laboratoire national de référence VIH/sida de l'Institut Pasteur d'Algérie démontrent que notre pays est à faible prévalence du virus, avec un taux d'infection variant entre 0,1 et 0,2 %. Cependant, la réalité dans la wilaya de Tamanrasset est tout autre. Depuis 1985 au 30 septembre écoulé, 454 cas de séropositifs et 89 cas de sida ont été enregistrés dans la wilaya. Le dernier rapport de l'IPA dénombre 6 nouveaux sidéens durant le premier semestre 2014. 97,5 % des cas sont contaminés par voie sexuelle. Quelles sont les difficultés rencontrées par l'association ? Tamanrasset, de par sa situation géostratégique, est une zone de transition et un trait d'union entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne compte tenu de l'important flux migratoire enregistré dans la région. En effet, plus de 11% de la population, soit 25 000 habitants sur les de 223 000 recensés, est constituée de migrants issus de plusieurs nationalités africaines. Cela veut dire qu'il est impératif de prendre nos précautions et changer nos attitudes envers cette population, notamment au niveau des localités frontalières d'In Guezzam et Tin Zaouatine où il faut intensifier davantage les opérations de sensibilisation au dépistage volontaire afin que l'on puisse prendre les mesures adéquates en cas de contagion. Il faut mettre en exergue l'importance des approches communautaires et le rôle des leaders dans la lutte contre cette pathologie mortelle, laquelle ne se limite pas à la prise en charge médicale. Le sida est un problème multifactoriel : économique, sanitaire, socioculturel et religieux. On doit donc prendre en considération tous ces paramètres pour mettre en place un programme de lutte stratégique. On vit dans une société où le sida reste un tabou et un motif de stigmatisation et de discrimination envers les Pvvih. D'où la nécessité de multiplier les campagnes de vulgarisation et de sensibilisation à travers tout le territoire de la wilaya. Pouvez-vous nous faire part de vos ambitions ? Green Tea dispose actuellement de trois bureaux de proximité dans les localités de Tazrouk, In Guezzam et Tin Zaouatine, situées respectivement à 270, 400 et 500 km du chef-lieu de wilaya de Tamanrasset. Notre projet consiste d'abord à renforcer les capacités de ces antennes en matière d'encadrement et de formation, puis à étendre notre action aux autres contrées à forte concentration d'habitants. La consolidation de l'approche communautaire à l'endroit des populations vulnérables est également envisagée en partenariat avec d'autres associations locales et nationales. Le principe de base consiste à recruter des personnalités influentes parmi les migrants capables d'assurer l'intermédiation entre société et association qui doivent désormais coopérer avec les CDR (Centre de dépistage de référence). R. K