Personne ne s'est risqué, jusque-là, à s'avancer sur la nature des amendements que Bouteflika prévoit d'apporter à la Constitution. Le projet de révision constitutionnelle, devant parachever le processus de réformes politiques initiées au printemps 2011, en pleine bourrasque du Printemps arabe, est toujours viable, rappelait, il y a quelques jours, le président de la République Abdelaziz Bouteflika. À la suite de ce dernier, le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saâdani, dont la proximité avec le cercle influent du pouvoir lui permet d'accéder aux secrets d'alcôves les mieux gardés, a situé le calendrier de sa réalisation : le 1er trimestre 2015, a-t-il confié à TSA, en marge de sa rencontre mercredi dernier avec les parlementaires du parti à l'hôtel El-Aurassi. À en croire donc l'homme fort du FLN, la perspective est inscrite dans le moyen, voire le court terme. Mais quelles seraient les triturations retenues pour la future loi fondamentale du pays, dont le projet semble avoir pris forme et n'attend qu'à être inséré dans l'un des deux mécanismes constitutionnels pour son adoption ? C'est là où réside justement le mystère. Personne ne s'est risqué jusque-là à s'avancer sur la nature des amendements que Bouteflika prévoit d'apporter à la Constitution. Tout ce que l'on sait c'est que le président Bouteflika avait promis, dès après la révision "mineure" de novembre 2008, qui réintroduit la non-limitation des mandats présidentiels consécutifs, qu'il procéderait à une révision profonde de la Constitution. Depuis, il n'y a eu que spéculations et supputations médiatiques. Et la plus redondante d'entre elles a été celle relative, on s'en souvient, à l'institution du poste de vice-président de la République. Beaucoup d'encre a coulé à ce propos. Beaucoup de salive aussi. Jusqu'à ce qu'Abdelmalek Sellal, alors directeur de campagne du candidat Bouteflika, qui briguait un 4e mandat, confie, dans une déclaration à Echourouk TV, que le projet de la nouvelle Constitution ne prévoit pas la création du poste de vice-président de la République. Cela avant qu'Ahmed Ouyahia ne soit chargé, à la suite d'Abdelkader Bensalah, de reprendre les consultations avec les partis, personnalités, associations et syndicats en vue d'élaborer une nouvelle mouture consensuelle. On ignore tout de cette mouture, six mois après la fin desdites consultations et de la remise du rapport au président de la République. Si la mouture devait retenir des amendements touchant aux équilibres institutionnels et des pouvoirs, la Constitution oblige à emprunter alors la voie du référendum populaire. Cette procédure est stipulée par l'article 174 de la Constitution. "La révision de la Constitution est à l'initiative du président de la République. Elle est votée en termes identiques par l'Assemblée populaire nationale et le Conseil de la nation dans les mêmes conditions qu'un texte législatif. Elle est soumise par référendum à l'approbation du peuple dans les 50 jours qui suivent son adoption (...)" Donc, il est tout a fait clair que la voie référendaire suppose le cheminement préalable par le Parlement. La procédure prendrait donc quelques mois avant d'aboutir, sachant que ce doit être le président de la République qui dépose lui-même le projet de Constitution sur le bureau de l'APN. Cela fait, la commission juridique et administrative dispose de 2 mois pour finaliser son rapport dit préliminaire, lequel peut contenir des propositions d'amendements. Le projet est ensuite soumis à la plénière pour adoption. Ensuite, le texte devra atterrir au Sénat qui le discutera sans possibilité de l'amender, avant de le voter, à son tour. Si les amendements constitutionnels ne sont pas de nature à perturber les équilibres institutionnels, la révision peut se suffire de la seule voie parlementaire, c'est-à-dire d'un vote en conférence parlementaire, conformément à l'article 176 de la Constitution. "Lorsque l'avis du Conseil sur un projet de révision constitutionnelle ne porte aucunement atteinte aux principes généraux régissant la société algérienne, aux droits et libertés de l'homme et du citoyen, ni n'affecte d'aucune manière les équilibres fondamentaux des pouvoirs et des institutions, le président de la République peut directement promulguer la loi portant révision constitutionnelle sans la soumettre à référendum populaire si elle a obtenu les trois quarts (3/4) des voix des deux chambres du Parlement." Cette voie, dénoncée par l'opposition faut-il le rappeler, a été essayée avec succès en 2008. Elle reste la voie la plus sûre pour le promoteur de la révision constitutionnelle, étant donné la configuration actuelle du Parlement et la composition du Conseil constitutionnel. La voie référendaire est, en revanche, porteuse de risque d'échec, en ce sens que le peuple peut rejeter le texte de la Constitution qui lui est proposé. "La loi portant projet de révision constitutionnelle, si elle est repoussée par le peuple, devient caduque. Elle ne peut être à nouveau soumise au peuple durant la même législature", (art. 175 de la Constitution). En l'absence de consensus préalable autour de la mouture du texte constitutionnel, les consultations ayant été boycottées par l'opposition qui, désormais, rejette toute révision constitutionnelle avant l'organisation d'une présidentielle anticipée, aller au référendum représente, pour Bouteflika, un pari risqué. D'autant que malade, il ne peut s'impliquer physiquement dans la promotion du projet. S. A. I.