Il était une fois, un poète et un Président. Les mauvaises langues racontent ! Colportent ! Cela s'est produit dans les années soixante-dix. Ces années étaient marquées par un grand malentendu entre le président Houari Boumediene et le poète Moufdi Zakaria. Et Moufdi Zakaria, pour vous le rappeler, n'est que le parolier de l'hymne national Qassaman composé à la demande de Abane Ramdane. Et Moufdi Zakaria n'est aussi que l'ami de Abou El-Kacem Chabbi. Et Houari Boumediene n'est que le président qui a nationalisé le pétrole, la mamelle algérienne. Les mauvaises langues racontent que le président Houari Boumediene ne supportait point le poète Moufdi Zakaria. Deux visions politiques différentes, opposées plutôt. Deux moudjahidine, qui, hier, pendant la guerre de Libération nationale, étaient sur le même chemin du militantisme. Une fois que les armes se sont tues, les fâcheries ont poussé. Le poète de Qassaman et le président du pays de Qassaman, ne partageaient pas la même vision avec laquelle on construit l'Etat-nation indépendant. Le poète avait son rêve, le politique avait son fer. Et parce que le poète, à l'image de Moufdi Zakaria, n'est pas une personne inaperçue, sa visibilité était grande. Sa présence était grandiose. Tout cela dérangeait le Président Houari Boumediene. Là où le Président passait, là où il se trouvait, dans les festivités nationales, dans les chantiers révolutionnaires... ce dernier était obligé d'écouter pieusement l'hymne national. Et bien sûr, à chaque fois que l'hymne national Qassaman est chanté, l'image du poète torture un peu plus l'esprit du Président. À chaque occasion de fête nationale, on parle, on reparle du poète Moufdi Zakaria. Il faut se débarrasser de cette présence encombrante du poète ! Mais pour balayer un poète à l'image, à la taille de Moufdi Zakaria, il fallait trouver une astuce révolutionnaire ! Et Boumediene, par son intelligence révolutionnaire putschiste, a trouvé comment se débarrasser du poète, le faire oublier, et définitivement. Les mauvaises langues racontent, colportent, que le Président Houari Boumediene a demandé aux responsables du ministère de la Culture et celui des Moudjahidine d'organiser un concours de poésie révolutionnaire afin de trouver d'autres paroles pour célébrer la Révolution et le chahid. Un autre poème plus beau, plus révolutionnaire capable de faire oublier Qassaman et le poète de Qassaman. Une commission est constituée, formée d'intellectuels, d'écrivaillons et de politiciens. Et l'appel au concours poétique est lancé. Et parce que le Président était un homme de principe, et afin de respecter l'honnêteté dudit concours, il a demandé à ce que les poèmes soient anonymes. Beaucoup de poètes ont y participé. Une fois le délai épuisé, les membres de la commission nationale se sont réunis. Et avec unanimité, un poème anonyme a décroché la première place. Une fois le nom du lauréat du concours dévoilé, la commission a été dissoute. Et le concours est annulé. Le résultat jeté à la poubelle. Mais pourquoi le concours a été annulé, et pourquoi le Président a fait un pas en arrière, gardant Qassaman comme hymne national ? Tout simplement, racontent les mauvaises langues, parce que le lauréat de cette compétition poétique n'était autre que le poète Moufdi Zakaria. Entre le Président et le poète, c'était une guerre de symbolique. Chacun voulait accaparer la représentation révolutionnaire. Le poète Moufdi Zakaria est décédé dans son exil à Tunis ! C'était le 17 août 1977 à Tunis, il sera enterré à Beni Yezguen. Quelques mois après, le 27 décembre 1978, le Président est décédé dans son lit. Et le peuple de Qassaman a pleuré le poète de Qassaman comme il l'a fait avec le président du pays de Qassaman. A. Z. [email protected]