Près de dix mois seulement après son arrivée au pouvoir, Luis José Rodriguez Zapatero, entreprend des contacts directs avec les responsables du Front Polisario et de la Rasd. La rencontre historique de vendredi à Madrid en est un nouveau gage, dit-on, des hautes autorités de la terre ibérique. En effet, le président de la Rasd, M. Mohamed Abdelaziz, a souligné, en marge des travaux de la 30e conférence européenne de solidarité avec le peuple sahraoui et qui se déroule à Saragosse, le caractère amical et franc dont était empreinte la réunion qui s'est tenue à Madrid. Le secrétaire général de la Rasd a affirmé que la responsabilité est telle que “l'Espagne doit assumer ses responsabilités historiques en tant qu'ancienne puissance dans la région”. Il a rappelé à la presse que la réunion au sommet de vendredi dernier, qui revêt une importance capitale, demeure l'aboutissement d'une série de rencontres politiques entre des membres du gouvernement espagnol et des cadres de la direction du Front Polisario. L'opportunité a été saisie, dit-il, par la délégation sahraouie pour brosser un tableau noir et circonstancié sur la situation des Sahraouis dans les zones occupées. La rencontre a été également mise à profit par le secrétaire général du Polisario pour rappeler la position et les revendications de la population sahraouie, et ce, conformément à la légalité internationale. La nouveauté dans le discours du gouvernement espagnol réside dans la définition du cadre des parties en conflit. Contrairement au langage diplomatique en juillet dernier lors de son passage à Alger, Zapatero a clairement signifié, précise le président de la Rasd, que le conflit concerne uniquement le royaume chérifien et le Front Polisario. Le changement dans la position espagnole est perceptible au niveau du fait que Zapatero et son exécutif ne comptent nullement mettre en œuvre ou ne disposent d'aucun plan spécial pour le règlement de la question sahraouie. “Le président Zapatero ne nous a suggéré aucun plan de règlement et ne nous a rien demandé. Bien au contraire, le chef de l'exécutif nous a exprimé l'intérêt que porte le gouvernement à la question sahraouie, et ce, en encourageant la recherche d'une solution qui mettra fin au conflit.” Avant de poursuivre : “Il faudra attendre les initiatives espagnoles sur le terrain pour juger et dire que les espagnols pensent réellement à résoudre le conflit.” Néanmoins, ajoute-t-il, la réunion au sommet de Madrid constitue le dégel de la position européenne qui, par le passé, tendait l'oreille uniquement à une seule partie. “Le moment est venu pour que les Européens tendent l'oreille aux deux parties en conflit.” Pour lui, des initiatives concrètes dans le cadre onusien demandent du temps, mais le poids des Espagnols est important et crucial pour régler un conflit qui n'a que trop duré. Signalons, enfin, que le président sahraoui poursuivra des entretiens politiques, demain lundi, avec le secrétaire général du parti de droite (le parti populaire de Aznar) et, le 3 décembre, avec le parti de la gauche unie. Zapatero face aux pressions internes et externes La réunion au sommet de vendredi dernier à Madrid entre le président du gouvernement espagnol et le président de la Rasd démontre, on ne peut mieux, que le dossier sahraoui figure parmi les priorités de la politique extérieure espagnole. Qualifiée d'historique, cette rencontre répond principalement aux pressions, aussi bien au plan interne qu'externe. Les manifestations de soutien au peuple sahraoui, organisées dernièrement à Madrid et dans d'autres régions, y sont pour beaucoup dans l'accélération et l'approfondissement du dialogue politique avec la direction du Front Polisario. Par le passé, les contacts entre l'ancienne puissance coloniale et les Sahraouis se limitaient au niveau parlementaire et des gouvernements régionaux. Le secrétaire d'Etat espagnol, Bernardinou, et la secrétaire d'Etat à la coopération ont visité au moins deux fois les campements de réfugiés cette année. Aussi, la mobilisation populaire a considérablement contribué à la remise sur les rails du dialogue politique avec les Sahraouis. La marche populaire du 13 novembre à Madrid a bien illustré le poids de l'opinion publique sur la politique du gouvernement qui ne peut plus tourner le dos aux revendications de la société civile. Dans les pays qui se réclament des valeurs démocratiques, le gouvernement ne peut continuellement ignorer ces électeurs. Il faut savoir également que quelques 600 municipalités ont signé des conventions de jumelage avec la Rasd. Les gouvernements régionaux, au nombre de 17, accordent des aides financières et matérielles aux Sahraouis. Aussi, les partis politiques dits “petits” et qui forment la coalition avec le parti de Zapatero ont conditionné leur participation au gouvernement par le règlement de la question sahraouie. Ajoutez à cela les correctifs apportés à la politique extérieure après les attentats de Madrid. Les attentats du 11 mars ont amené les autorités ibériques à réaliser que le danger venait de Rabat. Les principaux auteurs des attentats sont d'origine marocaine. Le pays de Cervantès, qui aspire jouer un rôle prépondérant dans la région du Maghreb et dans le cadre du processus Euro-Med, s'intéresse de près à ce qui se passe au royaume chérifien et compte participer à sa stabilité. Mais celle-ci est principalement tributaire de la solution “voulue” à la cause sahraouie. R. H.