Une volonté ferme et résolue d'en découdre avec l'existence et la prolifération de faux moudjahidine semble animer les plus hautes autorités de l'Etat. En effet, après les dernières révélations de l'ex-fonctionnaire de la chancellerie, Benyoucef Mellouk, qui a affirmé avoir été reçu au début de la semaine dernière au siège de la présidence de la république — lire notre article de l'édition de jeudi 19 septembre —, c'est au tour du groupe de dissidents de l'Organisation nationale de moudjahidine (ONM) de se livrer à la confidence en révélant que le palais d'El- Mouradia l'a sollicité et continue à le faire dans le cadre d'une enquête sur l'affaire. Représentant de ce groupe d'anciens maquisards de plusieurs wilayas, à l'instar de Blida, Béchar et Médéa, qui ont quitté l'ONM pour protester contre son accaparement par une forte composante — 80% — de faux moudjahidine, M. Boughouba Mustapha, membre de l'ex-fédération de Tipasa, affirme que la présidence a pris contact avec lui et ses compagnons, au mois de septembre dernier, au lendemain d'une conférence de presse qu'ils avaient consacrée au sujet afin de les inviter à se joindre à un travail en commun. “C'est un général du groupe des conseillers du chef de l'Etat qui nous a approchés”, affirme notre interlocuteur. Ce dernier soutient que ce proche de Bouteflika a organisé durant le même mois une rencontre au siège de l'ONM, à laquelle ont assisté le secrétaire général de l'organisation, M. Chérif Abbas, ainsi que l'un de ses collaborateurs, M. Fouhal. “Lors de cette entrevue, le représentant du président nous a demandé à tous de joindre nos efforts afin d'endiguer ce phénomène d'usurpation du titre d'ancien moudjahid”, confie-t-il encore. Le 18 septembre, c'est le premier concerné par cette affaire, le ministre des Moudjahidine, M. Cherif Abbas, qui reçoit M. Boughouba et quelques-uns de ses compagnons, sans la présence cette fois-ci du conseiller du président. “Certes, le ministre a reconnu l'ampleur de l'affaire et la nécessité de la prendre en charge. Il est sûr, cependant, qu'il n'aurait pas réagi sans la pression de la présidence”, souligne l'ancien maquisard. Pour preuve, souligne-t-il, depuis, M. Abbas est aux abonnés absents. En revanche, le contact avec le délégué d'El-Mouradia est maintenu. “Pas plus tard que vendredi dernier, ses services m'ont appelé pour les besoins de l'enquête”, dira M. Boughouba. Connaîtra-t-on ses conclusions un jour ? C'est l'espoir ultime que nourrit notre interlocuteur. Il rappelle, à cet égard, que lui et 390 de ses compagnons de l'Armée de libération nationale (ALN) de Tipasa ont quitté la fédération ONM pour marquer leur opposition à la falsification de l'histoire par moult opportunistes. Un autre, également, Benyoucef Mellouk, sera heureux de voir la vérité éclater enfin. Pendant vingt ans, cet ex-chef du service des affaires sociales et du contentieux du ministère de la Justice a subi intimidations, tortures morales et menaces pour avoir dénoncé l'existence de magistrats faussaires qui ont usurpé la fonction d'anciens moudjahidine pour gravir les échelons de la magistrature. Le scandale aurait pu être moindre si de hautes personnalités de l'Etat, dont des ministres, n'y étaient pas impliquées. S. L.