Sonatrach a opéré sa première fracturation hydraulique dans un puits de schiste alors que la chute du prix du pétrole a causé, en 2014 pour l'Algérie, la perte de deux milliards de dollars d'exportation en hydrocarbures. Alors que la chute du prix du brut sème un climat d'incertitude quant à l'avenir de l'industrie pétrolière mondiale, Youcef Yousfi, ministre de l'Energie, se montre, lui, très rassurant. Accompagné des ministres des Ressources en eau et de l'Environnement, M. Yousfi s'est rendu, hier, dans le bassin de l'Ahnet, dans la région d'In Salah (Tamanrasset) sur les chantiers des premiers puits d'essai d'exploration des hydrocarbures de schiste. Il s'agit de deux puits horizontaux d'exploration et d'un puits vertical d'écho, opérés par la Sonatrach en effort propre et qui sont à différents degrés d'avancement. Le forage du premier puits, baptisé AHT1H1, a été achevé en quatre mois et la première fracturation hydraulique a été opérée "avec succès", a estimé le ministre. Il en veut pour preuve, la torche enflammée indiquant la présence du gaz de schiste. Tout en avouant que l'Algérie a perdu en 2014 "deux milliards de dollars d'exportation de gaz", le ministre a assuré que les réserves en place des hydrocarbures sont "très importantes". "Rien que pour la première couche de schiste dans le bassin de l'Ahnet, qui s'étend sur 100 km2, les réserves en place sont estimées à 2 milliards de m3 au km2", a indiqué le ministre. Même si les quantités récupérables ne sont pas encore connues de Sonatrach, M. Yousfi a néanmoins affirmé que "1% de ces réserves représente déjà beaucoup", tout en précisant que "les taux de récupération attendus seront de l'ordre de 5 à 10%". Le second puits, AHT1H2, est encore en cours de forage. Il sera achevé en moins de temps que le premier, assurent les ingénieurs. "La partie verticale d'une profondeur de 1 500 m a été achevée et nous entamons le forage du coude pour engager la partie horizontale qui sera longue d'environs 1000 m", a expliqué Khanfar Youcef, directeur de l'exploitation Asset sud-ouest. Cette visite sur site a également eu pour effet de rassurer, aussi bien M. Necib, ministre des Ressources en eau, que Mme Boudjemâa, ministre de l'Environnement, quant aux problématiques environnementales. "Les points d'ombre ont été éclaircis : la quantité d'eau utilisée dans la fracturation hydraulique n'excède pas les 7 000 m3 et elle est réutilisable pour d'autres opérations de fracturation", a précisé M. Necib. Quant au risque de contamination des aquifères, selon les experts de Sonatrach, il est identique à celui des hydrocarbures conventionnels, "l'effort doit être fait sur la cimentation des puits", a indiqué M. Khanfar. S'agissant du traitement de l'eau après fracturation, Mme Boudjemâa s'est estimée confiante. "Il y a seulement quatre familles d'additifs qui sont utilisées et ce sont des produits ordinaires qui ne représentent, en réalité, que 1% de la quantité d'eau injectée", a-t-elle relevé. Développement des schistes : à quel prix ? Cette première expérience est, selon le ministre de l'Energie, "le début d'une nouvelle aventure qui va permettre à l'Algérie de disposer d'une des plus importantes réserves de gaz au monde". Un potentiel qui conforte M. Yousfi dans sa volonté d'intensifier les efforts sur l'exploration. "Nous allons optimiser les coûts pour réduire les dépenses de développement et accélérer les délais d'exploitation tout en renforçant l'aval", a annoncé M. Sahnoun, P-DG de Sonatrach. Cette nouvelle industrie permettra au groupe pétrolier d'acquérir des technologies nouvelles. C'est également l'opportunité de créer des milliers d'emplois. "Dès 2015, ce sont 8 000 emplois qui vont être créés à la faveur d'un plan de recrutement qui, à moyen terme, avoisinera les 39 000 emplois", a précisé le ministre. Outre les ressources humaines, le développement des hydrocarbures de schiste nécessitera un important investissement en infrastructures et moyens d'exploitation. À ce sujet, le ministre a dévoilé qu'un accord de partenariat "est en cours de négociation entre Sonatrach et une compagnie étrangère pour la création, en Algérie, d'une unité de fabrication d'appareils de forage". Ce qui rallonge encore la liste des dépenses qui devront êtres consenties afin de développer l'exploitation des hydrocarbures de schiste. Mais M. Yousfi reste optimiste. "Le plus grand défi sera celui de la réduction des coûts d'exploitation", a-t-il déclaré, avant d'ajouter que "cela sera possible car l'Algérie a l'avantage de disposer de son propre réseau de transport et de commercialisation des hydrocarbures". Cette stratégie reste néanmoins suspendue à l'évolution des prix du baril de pétrole car, en dessous d'un certain seuil, la rentabilité sera difficile à atteindre. A. H.