La population d'In-Salah et de Tamanrasset semble s'engager dans un véritable bras de fer avec le gouvernement quant à l'exploitation du gaz de schiste projetée au sud du pays. Depuis plus de trois jours, les citoyens ne décolèrent pas et poursuivent leur protestation devant les sièges des collectivités locales. Ils revendiquent l'annulation pure et simple de ce projet, qu'ils considèrent préjudiciable à l'environnement. Ils évoquent ses méfaits sur la faune et la flore de leurs localités pour justifier leur opposition. Si du côté du ministère de l'Energie, principal initiateur de cette opération pilote, on éprouve une certaine euphorie quant à la prouesse réalisée par les ingénieurs algériens, les habitants de Tamanrasset et d'In-Salah, en revanche, expriment une vive inquiétude à ce propos. Ils soutiennent mordicus que l'extraction de ce gaz mettra en péril l'agriculture saharienne. Ce sont des projets prévus dans des zones désertiques, envahies par le stress hydrique où l'utilisation de l'eau est rationnée car, vitale. Or, l'exploitation de cette énergie provoquera un endommagement de l'écosystème ou ce qu'appellent communément les experts dans leur jargon un "écocide". Le groupe Sonatrach, à qui l'Etat a confié cette nouvelle activité, avoue prévoir une politique de protection de l'environnement, fondée sur un recyclage et une réutilisation de la boue et des eaux utilisées pour le chantier. C'est d'ailleurs de la réutilisation de ces deux éléments que vient le danger. Outre le fait de recourir de façon excessive à l'usage d'une ressource en eau non renouvelable dans cette partie du pays, les experts préviennent les responsables quant aux risques qu'encourent les "populations sédentaires et nomades de cette région désertique en consommant une eau polluée par les adjuvants chimiques injectés lors de fracturations hydrauliques ou les métaux lourds qui vont se mélanger aux eaux de surface", expliquent les militants altermondialistes de l'association Attac dans un rapport. Ce n'est pas l'avis du ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, qui, le 27 décembre dernier, avait déclaré que l'Algérie venait d'effectuer "avec succès" son premier forage pilote de gaz de schiste dans le bassin d'Ahnet, situé à In-Salah, le qualifiant de "très prometteur". Les estimations des réserves affichées par le groupe Sonatrach, pour le seul bassin Ahnet, tablent sur deux milliards de m3 pour chaque km2, soit des réserves globales de 200 000 milliards de m3 de gaz. M. Yousfi avait estimé que "ces ressources étant certainement très importantes et utiles pour le pays, nous ne pouvons pas les laisser inexploitées". Le 21 mai dernier, le gouvernement autorisait officiellement l'exploitation du gaz de schiste. Devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre avait souligné : "Si les réserves (de gaz naturel et de pétrole) restent en 2030 à leur niveau actuel, nous n'allons couvrir que la demande nationale. Il n'en restera que très peu pour l'exportation." C'est dire l'intérêt qu'accorde l'exécutif à l'utilisation des hydrocarbures non conventionnels. Il semble non seulement convaincu, mais aussi déterminé à aller jusqu'au bout de son aventure. Reste à savoir si le vent de protestation, qui commence à souffler sur cette région du pays, fera, in fine, reculer le gouvernement et le poussera à abandonner la piste qu'il a tracée pour l'exploitation de cette autre ressource d'hydrocarbures. Tout dépendra des résultats de la visite d'une délégation ministérielle qui devrait, sauf imprévus, se déplacer aujourd'hui dans la wilaya de Tamanrasset. Au lieu de consentir de nouveaux investissements pour le gaz de schiste dont la rentabilité à l'avenir n'est pas garantie à 100%, il serait peut-être plus judicieux de développer et d'exploiter d'autres potentialités que recèle le Sahara algérien, notamment l'agriculture et le tourisme. Cette région peut aisément s'autosuffire en fruits et légumes et même approvisionner le Nord. Les centaines de postes d'emploi qui pourront être créés par le tourisme saharien feront certainement baisser le taux de chômage qui ronge les dix wilayas du Sud... B. K.