L'obsession du gouvernement algérien avec le gaz de schiste est complètement erronée. Cette technique de la fracturation hydraulique est remise en question pour son impact environnemental, notamment pour les risques de pollution du sous-sol et des ressources en eau. L'exploitation du gaz de schiste en Algérie s'inscrit en droite ligne du saccage de notre environnement. La grande majorité du public algérien veut plus d'une électricité alimentée par notre soleil, le vent, la biomasse, les vagues, etc. Développement : Pour récupérer le gaz de schiste, la technique utilisée aujourd'hui est la fracturation hydraulique. Elle consiste à injecter un fluide se composant d'environ 90% d'eau, 8 à 9,5% de "proppants" (sable ou billes de céramique) et 0,5 à 2% d'additifs chimiques sous très haute pression. Le gaz de schiste se différencie du gaz conventionnel, puisqu'il est réparti dans toutes les directions au niveau des couches géologiques et ne peut être exploité de manière classique. Pour l'extraire, il est donc nécessaire de forer des puits horizontaux à partir d'un puits vertical, puis de fracturer la roche par injection d'eau sous forte pression avec du sable fin et des produits chimiques pour éviter que les fractures ne se referment. La période d'exploration d'un puits est de l'ordre d'un an. Elle se base sur le forage de plusieurs puits. La quantité d'eau utilisée pour la fracturation hydraulique varie en fonction de la roche, mais l'ordre de grandeur est de 10 millions de litres d'eau douce, c'est-à-dire 10 000 m3 par puits. Les problèmes qui vont se poser : lDans les régions où l'eau est peu abondante, le problème de la disponibilité de l'eau se pose. L'utilisation de tels volumes d'eau ne va-t-elle pas mettre en danger l'approvisionnement de l'eau nécessaire à la consommation humaine, à celle du bétail, à l'irrigation des terres, à l'industrie agroalimentaire, etc. ? lCes technologies ne sont pas exemptes de risques pour l'environnement, en particulier ceux liés à la qualité de l'eau de la région, tels que la migration du gaz du méthane CH4 a partir des puits, le transport des contaminants dans les fractures induites au sol ou naturelles, rejets d'eaux usées et des déversements accidentels. lLes scientifiques ont ainsi mis en évidence d'importants taux de fuite pour des puits en cours de forage. Selon les relevés du spectromètre, chacun des 40 forages (avant leur entrée en exploitation) crachaient, en moyenne, 34 g de méthane CH4 par seconde. lRéutilisation de l'eau produite pour la fracturation hydraulique concernant les grandes quantités de contaminants qui sont portées à la surface. Comment assurer l'élimination sécuritaire des eaux usées et autres déchets provenant des rejets de l'activité en profondeur de la fracturation hydraulique contenant des produits chimiques potentiellement dangereux ? Sachant que les produits chimiques utilisés dans le procédé de fracturation hydraulique peuvent comprendre des acides inorganiques, des polymères, des distillats de pétrole, des composés anti-mise à l'échelle, les microbicides, les agents tensio-actifs, etc. lEn raison de la grande quantité d'eau utilisée et de la complexité du traitement des eaux usées, leur traitement et l'élimination de ces polluants est très difficile. lComment gérer ces déversements, les fuites, la construction des puits défectueux, pouvant contaminer ainsi l'environnement ? lUne acceptation d'autant plus difficile à obtenir que le forage d'un puits prend des mois et qu'il est source de nombreuses nuisances. Les pompes d'injection de fluides sont bruyantes et à l'origine de vibrations qui peuvent être perçues loin du site de forage. Les opérations se déroulent sans interruption, occasionnant un incessant ballet de camions (qui apportent l'eau, les fluides, le gas-oil, etc.). lQu'au fur et à mesure des années, l'eau injectée dans le sous-sol fait augmenter la pression dans les réservoirs et met en mouvement des failles jusque-là immobiles. L'injection de l'eau sous des pressions maximales inférieures à 150 bars en tête de puits a généré une micro-sismicité importante. Conclusion : Rouvrir le débat sur les gaz de schiste et porter cette question au sein du débat sur la transition énergétique en Algérie, en tenant compte des coûts de chaque énergie, des bénéfices économiques d'un développement potentiel des ressources nationales (balance des paiements, emploi, compétitivité, effet sur le développement de filières industrielles comme la chimie), et de leur impact sur l'environnement. Par exemple en France, le débat sur le gaz de schiste qui s'est tenu en 2011 a abouti à l'interdiction de la fracturation hydraulique et donc à l'abandon de tout projet d'exploration du gaz de schiste. Pourquoi pas dans notre pays en Algérie, il y a non seulement absence d'études de faisabilité et de rentabilité de cette nouvelle technologie de la fracturation hydraulique, mais aussi manque de concertation avec les intellectuels et experts nationaux "expérimentés indépendants" de différentes spécialités en techniques d'énergie et forage, en médecine hygiène et santé, en protection d'environnement, en géologie et en HSE et des chimistes laborantins, des juristes en droit minier etc. Ce comité serait chargé d'établir un rapport portant sur la construction des puits, la technique du forage horizontal non maîtrisée encore en Algérie, les produits chimiques présents dans les fluides de fracturation hydraulique, les méthodes de manutention, l'élimination des déchets et l'analyse des répercussions sur l'eau; l'emplacement des puits de gaz par rapport aux données démographiques, l'évaluation des risques etc. Il y a lieu de signaler que nos puits de pétrole et de gaz pourront faire l'objet de fracturation par différentes méthodes autre que la fracturation hydraulique. Sans débat constructif, il n'y aura point de modèle d'industrie énergétique pour exister durablement en Algérie. Recommandations : lIl est essentiel de mener une étude sur les impacts socio-économiques de l'exploitation du gaz de schiste. D'autant que cela pourrait avoir le mérite de dépasser le débat assez stérile autour de l'exploration. Car on n'est pas obligé d'explorer pour faire des projections: on peut d'ores et déjà construire des scénarios, avec des hypothèses de réserves basses et hautes, avec des projections sur l'emploi, en fonction du nombre de puits et des externalités négatives que cela aurait sur les populations. Il faudrait plutôt se demander quel serait l'impact économique global de la production en Algérie de gaz de schiste. lUne meilleure prise en compte des inquiétudes et des risques environnementaux soulevés par les populations locales via l'introduction d'études d'impact environnemental et la réalisation d'études amont sur les risques liés aux projets d'exploration et d'exploitation. lLa place du gaz de schiste dans le mix énergétique et industriel algérien mériterait d'être désormais débattue dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique. lNécessité d'une meilleure connaissance du sous-sol algérien. lLa problématique du traitement des eaux usées est avant tout une question de réglementation et de coûts. En effet, les technologies existent pour recycler ou retraiter l'eau et améliorer la constitution des fluides de fracturation afin de limiter les risques de pollution. A. B. (*) Consultant et expert en énergie