Longtemps objet de polémique, enfin reconnu par le ministre des Moudjahidine, le problème des faux moudjahidine n'a pas beaucoup retenu l'attention des congressistes de l'ONM. Les rares évocations de ce sujet ont été étouffées dans le chahut des protestations. L'abolition de la légitimité révolutionnaire évoquée par le président de la république dans son allocution inaugurale, n'a pas, non plus, suscité l'attention des 1 400 délégués. Y voyant peut-être une remise en cause des avantages liés à leur qualité, mais n'osant tout de même pas contrarier le chef de l'Etat, ils ont préféré fuir la question. Et comme pour s'excuser d'avoir ignoré son message, le congrès se répand en éloges pour les réalisations du président Bouteflika, après en avoir fait le président d'honneur de l'organisation. Le thème des privilèges, bien que fortement fédérateur, a occupé une place de choix dans les travaux des représentants des moudjahiddine. Dans ce chapitre visiblement fédérateur, aucune conquête encore possible n'a été occultée. Le rapporteur de la commission a lu une riche liste de revendications financières et sociales : triplement du montant de la pension, infrastructures sanitaires dédiées à leur usage unique, remboursement à cent pour cent des frais médicaux. L'éclaircie actuelle en matière de trésorerie publique semble avoir aiguisé l'appétit de nos anciens. Ils semblent si peu soucieux de préserver les ressources de la Nation quand il s'agit d'accroître les leurs ! Ils semblent aussi se désintéresser du fait que les 10 000 usurpateurs de titre, reconnus par leur tutelle, ne viennent aggraver le coût de privilèges revendiqués. Si toutes les requêtes devaient être satisfaites, les transferts budgétaires, que nécessiterait l'ensemble des avantages cumulés, équivaudraient, en quelque sorte, à l'institution d'un "impôt révolutionnaire". Les rares objections de certains congressistes révoltés par l'intacte avidité de leurs anciens compagnons témoignent, heureusement, que la convoitise n'est pas un ressort commun de nos anciens moudjahidine. La légitimité révolutionnaire dans l'accès au pouvoir ne constitue pas le seul handicap à une saine évolution du pays. C'est la légitimité de la rente qui hypothèque le passage à des rapports sociaux relativement stabilisés. Si, cinquante ans après son indépendance, l'Algérie n'a pas encore épuisé la question des compensations liées aux sacrifices consentis par ceux qui l'ont libérée, quand établira-t-elle les mérites de ses serviteurs actuels et futurs ? Le discours semble tellement détaché du réel : peut-on à la fois dénoncer l'anachronisme de la légitimité révolutionnaire et structurer sa coalition politique autour du FLN, symbole de la révolution détournée par des coteries qui accaparent les institutions ? Peut-on envisager la fin de la légitimité révolutionnaire et conserver un ministère des moudjahiddine doté du second budget sectoriel de la Nation ? Peut-on enfin se départir de la légitimité révolutionnaire, accéder à la logique démocratique, changer de système, en un mot, et sauvegarder le principe de la rente qui fonde ce système ? M. H.