Elle s'appelle école Magnache El-Djadida. Sur le chemin qui mène à cet établissement, situé sur la route de Tixeraine à un 1 km de la commune de Birkhadem à la périphérie sud d'Alger, le temps semble comme suspendu dans cette région. Perchée sur une colline, l'école fondamentale apparaît à peine derrière un arbre. Recouverte de plantes grimpantes, l'établissement ressemble à une petite villa style colonial. Juste en face, un stade communal est érigé, et à un jet de pierre on aperçoit un grand bidonville d'où est issue la majorité des élèves de cet établissement. Il est 15h30, une nuée de gamins sort de l'école en courant dans tous les sens dont la plupart sont mal habillés. De loin, on entendait une voix : “Ne courez pas et rentrez directement à la maison.” Quelques minutes après la sortie des classes, nous franchissons le seuil du portail pour rencontrer une personne qui pourra nous parler de cette école. Un homme, d'un certain âge, vient à notre rencontre. Les cheveux poivre et sel, le visage comme “marqué” par le temps et vêtu d'un jean délavé et d'une veste en daim, style les années soixante-dix, il nous demande l'objet de notre visite. Après les présentations d'usage, il divulgue son statut : “je suis le directeur de l'école. Ça vous étonne que je vous ouvre la porte. Et Oui, par manque de personnel, j'occupe deux fonctions : je suis chef d'établissement et gardien d'école ; il m'arrive même de me transformer à l'occasion en homme à tout faire en cas de travaux”, dit-il, un tantinet amusé. L'école est “petite”. Elle comporte neuf classes. Propre, le jardin est bien entretenu et sur le côté, un clapier et au fond une grande cage à perruches. Impression de villégiature encore renforcée par l'accueil chaleureux du directeur fort sympathique et à la jovialité presque “automatique”, du genre de personnes qui ne dédaignent pas de vous appeler par votre prénom au bout de cinq minutes et qui n'hésitent pas à raconter son “histoire” au premier venu. “Depuis plus de deux ans, l'école déborde d'élèves. On enregistre pour cette année près de 400 élèves pour une école qui comporte neuf salles et quatorze enseignants dont douze pour la langue arabe et seulement deux pour la langue française. Ajoutez à cela que parmi ces enseignants, seulement six sont titulaires de leur poste”. Selon le personnel de cet établissement, le nombre d'élèves arrive jusqu'à 65 par classe. “Après la réouverture de cette école, en 1996, chaque année, nous recevons un nombre incroyable d'élèves et cela est dû à l'exode des populations et particulièrement aux constructions des bidonvilles”, affirme-t-il. Il estime que le développement de ce quartier date des années quatre-vingt dix et est dû en grande partie au problème sécuritaire. “Cette région a été le théâtre de plusieurs attentats terroristes. D'ailleurs, cette école a subi neuf attaques dont un incendie qui a ravagé toutes les classes de l'établissement”. Selon l'administration de cette école primaire, le nombre d'élèves a sensiblement diminué cette année. “Durant l'année scolaire écoulée, les élèves étaient entassés à 4 par table, alors que cette année, ils sont à 3”, précise une maîtresse d'école, avant d'ajouter : “un des parents a été obligé d'acheter une chaise pour son fils afin qu'il puisse suivre les cours.” Par ailleurs, cette école souffre toujours de surcharge, d'ailleurs cette année, quatre groupes de vacation ont été installés. “à partir d'aujourd'hui, nous entamons le système de la double vacation. Nous avons partagé les élèves en quatre groupes, le premier groupe débutera les cours de 8h à 10h30, le deuxième 10h30 à 13h, le troisième 13h à 15h et enfin le dernier de 15h à 17h. En dépit de ce système qui diminue le nombre d'élèves en classe, ces derniers perdent beaucoup de temps en allers et retours”, atteste-t-elle. Il est à signaler qu'un manque de manuels scolaires a également été enregistré. “Plusieurs manuels scolaires sont en rupture, à l'exemple du livre de mathématiques et celui de sciences de la vie et de la technologie pour la 1re année primaire”, déplore le directeur. On apprend également que la plupart des élèves de cette école sont issus de familles pauvres dont plusieurs d'entre eux arrivent chaque matin le ventre creux. “à défaut de la cantine scolaire, une personne anonyme nous offre un petit déjeuner composé de café au lait, des tartines au beurre et de confiture que nous servons chaque matin de 7h à 7h50. Avec tous ces problèmes, nous arrivons à enregistrer un taux de 90% de réussite par an”, conclut notre interlocuteur. Un véritable exploit, en somme. N. A.