Contrainte à se remettre en cause, Sonatrach déploie de plus gros moyens. Un spécialiste de Pennsylvanie viendra à Alger, dans les prochains jours, débattre avec les journalistes de l'impact environnemental de l'exploration et de l'exploitation du gaz de schiste, a indiqué Saïd Sahnoun. Dans une conférence de presse organisée hier au siège de Sonatrach, Saïd Sahnoun, le P-DG de la compagnie pétrolière nationale, a reconnu les insuffisances de la communication du groupe pétrolier en direction de la société civile, en clair, en direction des protestataires d'In-Salah. "Nous avons orienté notre communication vers les spécialistes. Elle sera mieux ciblée. Nous allons améliorer notre communication en nous adressant directement et davantage à la population d'In-Salah pour leur montrer que l'activité d'exploration du gaz de schiste ne présente pas de danger sur l'environnement et sur les ressources en eau de la région", a répondu le P-DG de Sonatrach à une question sur les actions qu'elle compte entreprendre pour convaincre les protestataires d'arrêter leur mouvement. En un mot, elle a été défaillante. Au lieu d'organiser le séminaire sur le gaz de schiste à Oran l'an dernier, il aurait mieux fallu organiser une intense campagne de vulgarisation en direction des populations du Sud concernées. Ce qui aurait évité ce mouvement de protestation qui dure depuis plusieurs semaines. Sonatrach révise donc sa copie. Elle tente de mette en œuvre une communication plus efficace sur le dossier gaz de schiste. Parmi les premières actions, des techniciens et ingénieurs de Sonatrach ont déjà discuté récemment avec la société civile d'In-Salah pour lever ses appréhensions. "Il y a eu, ces derniers jours, un débat avec cette partie qui a duré jusqu'à vingt et une heures." Tout cela n'a pas refroidi les protestataires qui continuent leur mouvement. Sonatrach veut poursuivre sa campagne d'explication en direction des simples citoyens et de la société civile. "Le dialogue est ouvert", a ajouté Saïd Sahnoun. Sur l'une des revendications essentielles des protestataires auxquels a répondu favorablement le chef de l'Etat, le P-DG de Sonatrach a indiqué que le puits-pilote en matière d'exploration foré à In-Salah sera fermé dans quelques jours. "Nous sommes sur le point d'achever le forage. C'est une question de jours. Dès que nous terminerons l'appareil (de forage), il sera transporté dans un autre site d'exploration", sans préciser dans quel bassin du Sud-Est ou du Sud-Ouest, il sera utilisé. Il ajoutera qu'"on passera à l'étape d'évaluation des résultats des forages. On prendra le temps qu'il faut dans les études des données". Une façon de rappeler encore qu'on n'est pas au stade de l'exploitation du gaz de schiste, d'autant que se pose une incertitude sur la rentabilité du gaz de schiste en Algérie. Il faut réunir les conditions de succès de son exploitation : la formation notamment de 2 000 agents, ainsi qu'une organisation logistique efficiente et un renforcement de l'outil national de forage. Ce qui demande du temps. Contrainte à se remettre en cause, Sonatrach déploie, en ce sens, de plus gros moyens. Un spécialiste de Pennsylvanie viendra dans les prochains jours débattre avec les journalistes de l'impact environnemental de l'exploration et de l'exploitation du gaz de schiste, a indiqué Saïd Sahnoun. En outre, au cours de la séance précédant la conférence de presse, outre l'intervention de responsables chargés des questions environnementales, une vidéo américaine a été présentée. Elle montre que l'image d'une flamme jaillissant de l'eau du robinet ne reflète pas la vérité sur le gaz de schiste. Elle a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Elle est à l'origine de la méfiance d'un grand nombre de citoyens et de spécialistes nationaux à l'égard de l'activité gaz de schiste. Dans son enquête, la propriétaire d'une ferme américaine nous montre — en allant recueillir les témoignages sur place — que cette pollution de l'eau n'est due qu'à une mauvaise fracturation hydraulique. D'ailleurs, des citoyens US touchés ont esté en justice cette compagnie à l'origine de la pollution de l'eau potable destinée aux ménages. L'industrie du gaz de schiste aux Etats-Unis est peu polluante, conclut la fermière, citant le plus haut responsable chargé de l'environnement au niveau fédéral. "On n'a pas dit qu'il n'y a pas de risque" Vidéo de propagande de l'industrie gazière américaine ? Il faudrait une investigation pour y répondre. En tout état de cause, le P-DG de Sonatrach a tenu de nouveau à rassurer l'opinion publique. "Il n'y a pas de danger. Nous faisons ce qu'il faut faire, respecter strictement les procédures et la réglementation pour éviter toute pollution (des sols et des eaux). Sonatrach est une entreprise citoyenne. Elle ne mènera jamais une activité qui puisse nuire à la santé de la population et à l'environnement." Au cours de la conférence de presse, il a tenu à nuancer ses propos. "On n'a pas dit qu'il n'y a pas de risque." Une manière de dire que Sonatrach fait tout pour que la fracturation hydraulique utilisée dans l'exploration du gaz de schiste n'ait pas d'impact sur la santé des citoyens et sur l'environnement, en somme éviter les risques de pollution. Le premier responsable de Sonatrach a précisé, en ce sens, que cinq opérations d'inspection ont été effectuées pour s'assurer du respect de la réglementation dans cette activité d'exploration à In-Salah. Une équipe de surveillance sera dépêchée prochainement dès l'achèvement du forage du puits-pilote d'In-Salah, pour évaluer une fois de plus l'impact environnemental de cette activité d'exploration de gaz de schiste en Algérie. Le P-DG de Sonatrach a également assuré que l'activité de production de gaz de schiste n'entamera pas les ressources hydriques du pays. "Avec le niveau de production projetée, on consommera 2 millions de mètres cubes/jour pour les besoins des forages de puits de gaz de schiste." Ce qui n'est pas, selon lui, important par rapport aux immenses ressources de l'albien. L'enjeu ici est le recyclage de l'eau utilisée dans les forages de gaz de schiste. Si les volumes d'eau mobilisés ne sont pas réutilisés, se posera sans doute une situation de déficit hydrique au détriment du développement d'une agriculture intensive dans le Grand-Sud, estiment des experts. L'autre enjeu est le contrôle par un organisme externe de la qualité de la cimentation qui permet d'isoler le puits des couches, donc d'éviter toute intrusion d'hydrocarbures et d'additifs chimiques dans les nappes phréatiques. Car Sonatrach ne peut être juge et partie. "L'Agence de régulation des hydrocarbures (ARH) joue ce rôle", a répondu Saïd Sahnoun à cette question. Enfin, faut-il un audit environnemental indépendant sur ces forages de gaz de schiste et que Sonatrach se rapproche davantage des populations de la région pour que les protestataires puissent enfin être convaincus de l'argumentaire de Sonatrach et des autorités du secteur ? K. R