Les avions de combat égyptiens ont bombardé, hier, des positions de l'Etat islamique (EI) en Libye, quelques heures seulement après la revendication par cette organisation terroriste de la décapitation de 21 chrétiens coptes égyptiens. Le président égyptien Abdelfattah al-Sissi, qui avait convoqué d'urgence dimanche soir le Conseil national de défense et juré de punir les "assassins" de manière "adéquate", n'a pas tardé à passer à l'acte. "Nos forces armées ont mené lundi des frappes aériennes ciblées contre des camps et des lieux de rassemblement ou des dépôts d'armes de Daech en Libye", a indiqué, hier, un communiqué de l'armée égyptienne. Mais, au-delà de la raison invoquée, cette attaque marque, incontestablement, une implication militaire dans la crise libyenne, de l'Egypte qui a toujours nié les accusations d'être l'auteur de bombardements opérés par des avions non identifiés sur les bases de Fajr Libya. D'où la question : s'agit-il d'une opération conjoncturelle en réaction au meurtre de ses citoyens coptes, ou une action qui s'inscrit dans la durée ? Des experts apportent un début de réponse, en affirmant que le président Al-Sissi veut bien montrer aux pays occidentaux que son régime est un rempart contre l'ennemi terroriste commun. Ce que soutiennent d'ailleurs les déclarations à l'endroit de la communauté internationale, du ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri. Selon lui, "laisser la situation en l'état en Libye sans une intervention ferme pour y stopper la progression des organisations terroristes représenterait une menace claire pour la sécurité internationale et la paix". S'il est clair avec ce qui précède que l'Egypte d'Abdelfattah al-Sissi ambitionne de retrouver un rôle de puissance régionale, en se dotant des moyens militaires adéquats, dont les avions Rafale, il n'en demeure pas moins que diverses interrogations s'imposent. En tant que pays voisin de la Libye, l'Egypte, dont les intentions affichées vis-à-vis de cette crise ont toujours été d'encourager la solution politique, ne vient-elle pas, de la sorte, de commettre une volte-face préjudiciable à cette option ? Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler que cela survient, dans une conjoncture où, jamais, le processus de dialogue, préconisé en guise de solution à la crise institutionnelle et sécuritaire que vit la Libye, que soutient d'ailleurs l'Algérie, n'a été autant fragilisé. Pour cause notamment de la guerre fratricide, qui est en cours actuellement entre les partisans des deux gouvernements (et parlements) rivaux, l'un élu et reconnu par la communauté internationale et l'autre islamiste englobant les islamistes de Fajr Libya. Une situation qui plus est exacerbée par l'échec consommé des tentatives de réunir les parties en conflit autour de la même table. Ce qui n'est pas sans apporter de l'eau au moulin des partisans d'une intervention étrangère en Libye. C'est présentement le cas de son ancienne puissance colonisatrice, l'Italie, qui a clairement affiché sa disponibilité en vue de conduire une coalition internationale, en mobilisant, pour autant, une force de 5 000 hommes. Cependant, jusqu'à preuve du contraire, le dialogue a toujours la primauté des décideurs de ce monde. À commencer par les Etats-Unis, qui réaffirment vouloir une solution politique urgente à la crise en Libye, en apportant leur soutien à l'action des Nations unies. Washington a condamné "le meurtre abject et lâche de 21 citoyens égyptiens", estimant que "la barbarie de l'EI n'a pas de limites". Le président français, François Hollande, "a exprimé sa préoccupation face à l'extension des opérations" du groupe terroriste en Libye. Pour sa part, son ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, a soutenu que "la solution du chaos libyen ne peut être que politique", en ajoutant que "c'est un enjeu pour la communauté internationale". "La décapitation spectaculaire, morbide, de chrétiens coptes assassinés en Libye par Daech est une raison supplémentaire d'avoir des éléments de sécurité", a-t-il ajouté, mettant en garde contre "les risques de jonction entre ce qu'est Daech au Levant et Daech en Libye". Pour rappel, en janvier, la branche libyenne de Daech avait affirmé avoir kidnappé 21 coptes égyptiens et Le Caire avait confirmé que 20 de ses ressortissants avaient été enlevés en Libye voisine. A. R.