"Le moment est venu de tenir un discours de vérité à la population, notamment sur la nécessité de réformes profondes, certaines pénibles à court terme, mais indispensables. Ces réformes sont absolument nécessaires même dans un scénario optimiste de retournement du marché ou de nouvelles découvertes : sans elles, nous reproduirons nos échecs passés et n'arriverons pas à réaliser le potentiel de développement que peut permettre notre sous-sol, si ses ressources étaient mieux utilisées." Le collectif Nabni (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées) a lancé un énième appel au changement de cap en initiant un débat sur les réponses à apporter, notamment à court terme, à la chute des prix du pétrole. Ce débat a été entamé, hier, lors de la présentation, à la salle Franz-Fanon de Riadh El-Feth à Alger, du programme 2015 du think tank. Contrairement au discours ambiant qui se focalise sur une réduction des dépenses publiques, l'objet du plan d'urgence, auquel Nabni se propose de réfléchir, n'est pas de suggérer une simple stratégie de réduction du déficit budgétaire. Il s'agit d'identifier les réformes fondamentales, de court terme, qui permettront non seulement de rationnaliser les dépenses publiques, mais surtout de créer les conditions d'une sortie rapide de l'économie de rente. "Le virage économique à prendre devra être amorcé par un plan d'urgence 2015-2017 qui marquera les premiers jalons du changement de cap et jettera les fondations d'une transformation profonde de notre ordre économique", souligne le collectif Nabni. L'objectif du plan d'urgence est de "sécuriser" la trajectoire de développement de l'Algérie dans un contexte de réduction des revenus en hydrocarbures et de hausse de la population et de la consommation. "Nous ne pouvons plus asseoir notre développement sur des ressources volatiles et incertaines", estime Zoubir Benhamouche, économiste et membre de Nabni, évoquant les prémices d'un changement de paradigme énergétique. Pour les membres de Nabni, la question n'est pas dans la chute des prix du pétrole. La baisse des cours du pétrole n'est qu'une sonnette d'alarme malheureuse. "Peut-être que le prix du baril remontera, peut-être même qu'il retrouvera un niveau élevé, peut-être que nous allons découvrir d'importantes réserves et que la baisse actuelle de la production n'est que passagère. Mais même s'il n'y avait ne serait-ce qu'une seule chance sur cent que ce scénario optimiste ne se réalise pas (c'est malheureusement bien plus probable), notre histoire douloureuse nous interdit de prendre le risque d'exposer la génération 2020 à un choc aussi désastreux que celui auquel on a fait face dans les années 1990", écrit Nabni. Cependant, le collectif Nabni invite à ne pas refaire l'erreur commise après 1985 : l'investissement public a été stoppé net alors que le modèle de consommation et de redistribution financé par l'endettement était maintenu et les réformes retardées. Pour le collectif, l'heure n'est plus aux ajustements conjoncturels ou aux petits arbitrages de réduction de dépenses, aux mesures d'austérité ou aux mesures administratives contre les importations ou la fuite des capitaux. "L'heure est à la transformation de notre modèle économique et social, et de la gouvernance qui le sous-tend", estime Nabni, et la réforme de la gouvernance constitue le socle du changement de cap auquel le think tank appelle. Mourad Preure, expert en énergie, invite à se départir "d'une vision phobique" des hydrocarbures. "Ce n'est pas une malédiction. C'est un facteur de succès pour l'économie nationale", a-t-il affirmé. Pour lui, le problème réside dans le mode d'articulation de notre économie au secteur des hydrocarbures et l'économie mondiale des hydrocarbures. M. Preure estime qu'il faut déconnecter la croissance des hydrocarbures et viser une insertion active à l'économie mondiale des hydrocarbures. "Il faut que l'Algérie s'impose en tant qu'acteur, à travers Sonatrach, et pas en tant que source d'énergie", a-t-il suggéré. M. R.