Il lui reproche son manque d'imagination et recommande à ses membres de développer un sens de l'écoute. Le président Abdelaziz Bouteflika a épinglé jeudi la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH) présidée par Farouk Ksentini. Dans un message à l'occasion de la célébration du 56e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, le chef de l'Etat a ouvertement critiqué cette commission en lui reprochant d'avoir "manqué d'imagination". Pour M. Bouteflika, cette commission, qui a la vocation d'évaluer l'état des droits de l'Homme en Algérie, "n'a pas fait preuve d'une grande vigueur". Cette commission, à laquelle incombent notamment les missions de promotion et de protection des droits de l'Homme, n'a pas visiblement joué pleinement son rôle, notamment après les mesures prises par le président Bouteflika pour améliorer la situation des droits de l'Homme en Algérie. "À cet égard, l'éducation aux droits de l'Homme devrait être au centre de ses préoccupations (de la commission, ndlr)", souligne M. Bouteflika. "Mais force est de constater que, dans ce registre, elle (la commission) a manifestement manqué d'imagination et n'a pas fait preuve d'une grande vigueur", relève-t-il avec regret. Le Président a également recommandé aux membres de cette commission de "développer" une "grande capacité d'écoute" et une "disponibilité à toute épreuve". Des qualités dictées, selon lui, par la vocation même de la commission qui est à l'avant-garde de l'action pour la promotion et la protection des droits de l'Homme, action qui commande un engagement sans faille. Le Président a toutefois affirmé que, "en dépit de ces insuffisances relevées, nous restons convaincus du rôle prépondérant de la commission dans son domaine d'action et nous fondons beaucoup d'espoirs sur sa mission de veille car elle doit être en alerte permanente pour dénoncer toute atteinte aux droits de l'homme". Faisant une évaluation de l'état des droits de l'Homme en Algérie, le président Bouteflika a relevé que l'Algérie est parmi "les rares pays qui ont ratifié la quasi-totalité des conventions internationales relatives aux droits de l'Homme, comme elle peut être fière de sa législation qui, en matière de protection des droits de l'Homme, n'a rien à envier aux nations les plus développées". "De l'avis de l'ensemble des observateurs nationaux et étrangers, y compris les plus hostiles à notre endroit, la situation des droits de l'Homme dans notre pays ne cesse de s'améliorer", a-t-il ajouté. "De façon générale, toutes les réformes que nous avons initiées depuis notre accession à la magistrature suprême en 1999 ont pour finalité la consolidation de l'Etat de droit, garant des droits et libertés individuelles et collectives", a-t-il souligné. Il a cité notamment le dernier amendement du code pénal qui a qualifié de crime la torture sous toutes ses formes, après lui avoir donné une définition précise, et le chantier de la révision du code de la famille qui, soit dit en passant, attend depuis le mois d'août un hypothétique examen par le Conseil des ministres. Mais Abdelaziz Bouteflika reconnaît qu'en ce qui concerne l'exercice effectif des droits "beaucoup reste à faire". Selon lui, c'est là, d'abord, le rôle de la justice que la Constitution investit de la mission de protéger la société et les libertés, et de garantir à toute Algérienne et à tout Algérien la sauvegarde de ses droits fondamentaux. "La réforme en cours de la justice se propose justement de doter la justice de moyens juridiques et matériels à la mesure des responsabilités qui lui incombent", affirme-t-il avant d'énumérer la série de mesures prises dans ce sens. Il a ainsi cité "le nouveau statut de la magistrature et le nouveau texte régissant le Conseil supérieur de la magistrature, qui affirment et renforcent l'indépendance du juge et organisent un meilleur déroulement de sa carrière, et les autres mesures qui visent à l'amélioration de la situation matérielle des magistrats et de leurs conditions de travail". S'il est vrai que ces mesures ne valent que par leur mise en œuvre et par l'usage qu'en feront les acteurs de la justice, il est aisé de constater qu'elles commencent à porter leurs fruits sur le terrain où leur effet bénéfique n'a pas tardé à se faire sentir, a estimé M. Bouteflika précisant que c'est à partir de là, autrement dit sur le terrain, que le rôle de la commission Ksentini revêt toute son importance. Il est vrai que la commission, absorbée par le dossier prioritaire des disparus, comme le dit Farouk Ksentini lui-même dans un entretien jeudi à notre confrère El Watan, a peut-être "manqué d'imagination" dans le suivi d'autres dossiers. En tout cas, dans cet entretien, Farouk Ksentini a affirmé que sa commission a régulièrement saisi les "plus hautes autorités" sur des questions épineuses comme celles des femmes violées par les terroristes ou encore la visite en Algérie d'ONG qui désirent venir s'enquérir de la situation des droits de l'Homme. Cela étant dit, M. Bouteflika s'est dit déterminé à régler le problème "sensible" et "épineux" des disparus. "Je saisis cette occasion pour dire aux familles des disparus, dont je comprends la détresse comme je compatis à leur douleur, que tout sera fait pour élucider le sort de leurs proches, qu'elles en seront informées et qu'elles peuvent compter sur la solidarité de l'ensemble de la nation pour alléger leurs souffrances", a-t-il dit dans son message. Il a rappelé que le mécanisme ad hoc mis en place en septembre 2003 au sein de la commission Ksentini doit rendre son rapport en mars 2005. "Nous attendons de ce mécanisme (...) qu'il établisse un état du dossier, globalement et dans le détail, et qu'il présente des recommandations répondant aux attentes des familles des disparus et à la confiance des pouvoirs publics", a-t-il ajouté. Le chef de l'Etat, qui s'est dit convaincu que l'avenir des droits de l'Homme en Algérie est "largement tributaire de l'amélioration de la situation sécuritaire", s'est engagé à ne ménager aucun effort pour la réconciliation entre les Algériens, réconciliation pour laquelle, a-t-il dit, "je continuerai d'œuvrer sans relâche jusqu'à sa concrétisation totale". R. B.