Résumé : Maroua pouvait repartir le cœur léger. Le sourire qui s'affichait sur le visage de sa sœur la renseignait amplement sur son bonheur... Un bonheur mérité après tant de sacrifices et de déboires. Pourtant, Mordjana est soucieuse. Elle pensait à ses jeunes frères livrés à eux-mêmes. Son père ne va-t-il pas continuer sur sa lancée et brader toute la famille ? Mordjana soupire -Oh Maroua ! Je ne serais pas totalement heureuse tant que mon père ne s'est pas assagi. Je pense déjà beaucoup à Fatima et Fethi, les deux derniers... Hier encore, juste avant notre départ, ils sont venus s'accrocher à mes basques... Fatima pleurait comme une fontaine, et Fethi affichait un air farouche qui ne me plaisait pas trop... J'espère qu'il ne va pas encore fuguer. -Ne t'en fais donc pas pour eux Mordjana... Tu viens d'entamer une nouvelle vie... Pense un peu à toi maintenant... Si cela peut te rassurer, je passerai de temps à autre à la maison pour vérifier que tout va bien... Je t'appellerai tous les jours s'il le faut pour te donner de nos nouvelles. -Merci Maroua... Prends grand soin de toi aussi et de tes enfants... Ne fais pas trop attention au comportement de ton mari... Il finira bien par revenir à de meilleurs sentiments... N'oublie pas que c'est notre cousin tout de même. -Oui... C'est ce que je me dis quand cela ne va pas trop entre nous... Un peu pour me rassurer, et un peu pour me déculpabiliser... Si j'avais écouté tes conseils Mordjana, je n'en serais pas là. Tu voulais que je fasse des études afin d'assurer plus confortablement mon avenir... Mais j'ai n'en ai fait qu'à ma tête... Je croyais qu'en me mariant, j'allais découvrir un monde nouveau et serein. La réalité est tout autre, d'autant plus que Djamel est un grand paresseux. Il préfère passer ses journées à traîner dans les rues ou à regarder la télévision qu'à se chercher un boulot. Ma belle-mère ne cesse de me harceler et de me reprocher de manger son pain et de vivre à ses crochets... Une honte pour nous ! -Allons Maroua... Khalti Kheira n'a pas mauvais cœur... En sus, je suis certaine qu'elle en veut plus à son vaurien de fils qu'à toi... Maroua hausse les épaules : -En tous les cas, c'est elle qui avait insisté pour qu'on vive sous son toi. Elle ne voulait pas perdre son "bébé". Je ne sais trop à quel saint me vouer maintenant avec mes deux bambinos sur les bras. -Tu devrais t'inscrire à l'Anem pour demander un emploi... Tu as suivi une petite formation en secrétariat, peut-être pourra-t-on te caser quelque part. Même si le salaire n'est pas toujours motivant, un emploi te permettra d'accéder à la sécurité sociale, et en plus tu n'auras pas à passer tes journées à te morfondre auprès de ta belle-mère. -C'est une bonne idée, je ne sais pas si Djamel va accepter... -Il acceptera, sûr... Tu vas assurer le pain de ses enfants et le sien pardi ! Maroua soupire : -Nous verrons bien. La porte de la chambre s'entrouvre et Malika lance d'une voix radieuse : -Ah ! voilà notre jeune mariée, bonjour Mordjana... Je vois à ton air heureux que tout s'est bien passé entre Samir et toi. Mordjana rougit et baisse un peu les yeux avant de répondre : -Nous nous sommes découvert des affinités... -Ah ! je me disais que vous alliez vous entendre dès la première minute... Je vous souhaite de tout cœur tout le bonheur du monde. Elle se détourne un peu et pousse un long youyou. Aussitôt des femmes pénétrèrent comme par enchantement dans la pièce. Mordjana jette un regard plein d'appréhension à Malika, mais cette dernière lui fait un clin d'œil avant de lui lancer : -Le plus dur est passé, n'est-ce pas ? Ces femmes ne sont là que pour te tenir compagnie. Leurs avis importent peu.. Puis, elle se retourne vers Maroua et lui demande : -Veux-tu m'aider à servir le déjeuner ma chérie ? Le long trajet d'hier a fait que ma mère n'arrive même pas à se mouvoir. Ses rhumatismes se sont réveillés, j'aimerais que tu me donnes un petit coup de main. -Mais avec joie Malika... Elle se lève et la suit, alors que Mordjana se retrouve exposée à une dizaine de paires d'yeux qui ne cessaient de la contempler. -C'est quoi cette vilaine caricature sur ta joue ?, demande une vieille femme au regard inquisiteur ? (À suivre) Y. H.