Alors que l'Algérie s'efforce de ramener les parties libyennes à la table du dialogue afin de trouver une solution politique au conflit qui ronge ce pays depuis la chute du régime de Kadhafi, voilà que le Maroc s'implique dans ce processus engageant ainsi une guerre de leadership régional qui ne fera qu'aggraver la crise. L'accord, paraphé le 1er mars dernier à Alger pour le règlement du conflit malien après plus de huit mois de négociations, ne semble pas être du goût de Rabat qui voit d'un très mauvais œil le retour de la diplomatie algérienne sur la scène africaine. Le soutien apporté par Paris, Washington et plusieurs pays de l'Union européenne à l'initiative algérienne et l'appel lancé aux autres parties à signer la plateforme d'Alger ont déstabilisé le voisin de l'Ouest qui constate que ses alliés optent de plus en plus pour l'Algérie en tant que pays pivot et stabilisateur dans la région. Le défilé des chefs d'Etat africains ces dernières semaines à Alger a d'autant plus confirmé l'importance du rôle de l'Algérie en tant que médiateur et facilitateur dans certains conflits qui rongent le continent et surtout la région sahélienne devenue le théâtre de troubles majeurs depuis le Printemps arabe. C'est dans cette perspective qu'il faudra analyser la nouvelle démarche marocaine. Alors que la médiation algérienne est en cours depuis plusieurs mois, soutenue en cela par la communauté internationale malgré certaines voix discordantes qui appellent à une intervention militaire, le Maroc lance une initiative dont le seul but est de torpiller les efforts d'Alger. En recevant aujourd'hui plusieurs délégations libyennes, le Maroc ne fait qu'attiser la haine entre les composantes du conflit et éloigner la perspective d'un début de solution de la crise dont les conséquences affectent sérieusement la situation sécuritaire en Algérie surtout lorsqu'on sait que l'attentat contre le site gazier de Tiguentourine en janvier 2013 a été facilité par la proximité avec la frontière avec la Libye, un pays devenu le sanctuaire du terrorisme international. Alger veut ramener les parties libyennes à cesser les hostilités et amorcer un processus de règlement qui aboutirait à la mise en place d'une feuille de route politique, la formation d'un gouvernement d'union nationale, la construction des institutions et l'instauration de la paix civile. Ce qui n'est pas une mince affaire lorsqu'on sait que le pays est livré aux milices et complètement atomisé avec deux Parlements et deux gouvernements rivaux, l'un proche de Fajr Libya qui contrôle la capitale Tripoli, et l'autre reconnu par la communauté internationale qui siège à Tobrouk. En annonçant une réunion des parties libyennes dans les prochains jours à Alger, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, a souligné que "la rencontre va réunir tous les leaders politiques et les chefs des partis politiques reconnus en Libye", avant de relever que l'Algérie "a eu des contacts avec toutes les parties et reçu beaucoup d'acteurs libyens sans distinction, à l'exception des groupes terroristes reconnus comme tels par les Nations unies". Pour Messahel, cette réunion est l'aboutissement d'un long processus. "Nous avons, durant ces dernières semaines, pour ne pas dire ces derniers mois, énormément investi, nous l'avons fait dans la discrétion la plus totale, nous avons reçu plus de 200 acteurs libyens à Alger", a-t-il dit, avant d'ajouter : "Il y a eu des rencontres à Alger entre des ailes opposées, des rencontres secrètes qui parfois ont abouti à des accords signés entre les parties, et nous continuons à nous investir dans ce dossier." La mission d'appui des Nations unies en Libye (Manul) qui a confirmé la tenue prochaine d'un premier round de dialogue en Algérie a également indiqué qu'une autre réunion se tiendra à Bruxelles et regroupera des représentants de municipalités dans le cadre du processus du dialogue interlibyen. La Manul a également convoqué une troisième réunion qui concernera les chefs de tribu et d'autres responsables de la société civile libyenne. Messahel a encore insisté qu'il n'y avait pas d'alternative à la solution politique, et qu'une intervention militaire "ne conduit à rien, pire, ses conséquences sont inconnues parce qu'on ne peut jamais savoir quand et comment elle se termine". Une position que soutient un haut responsable de l'Otan qui a souligné hier à partir de Bruxelles que l'intervention militaire internationale de 2011 a été "une énorme erreur de la part de la communauté internationale et des Libyens". S. T.