Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, se rend compte que le code de la famille n'est pas à son goût, dix ans après l'avoir révisé. Il s'apprête à le triturer de nouveau, à lui y apporter des correctifs qui pourraient ne pas faire le bonheur de la femme. En 2005, au plus fort de la revendication de l'abrogation pure et simple du code de la femme, soutenue notamment par les militantes féministes et les partis démocratiques, le président de la République opte pour une solution médiane, à savoir la révision du texte qualifié par certains d'infâme. La révision était présentée alors comme l'œuvre la plus aboutie, en ce sens qu'elle alliait modernité et respect des référents religieux de la société algérienne. Au grand dam des islamistes qui ont trouvé à redire et qui n'ont de cesse de faire pression pour un texte plus "orthodoxe". Ce ne serait pas peine perdue pour eux, puisque le code de la famille est à nouveau éligible à révision. C'est le président de la République qui l'a annoncé avant-hier, dans son message à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de la femme. Abdelaziz Bouteflika a affirmé avoir ordonné au gouvernement de travailler à une révision du code de la famille. La femme devrait-elle applaudir ou, au contraire, nourrir des inquiétudes quant à cette initiative ? Les termes du laïus présidentiel, lu, faut-il encore le noter, par la ministre chargée de la Solidarité nationale, Mme Mounia Meslem, ne permettent pas de se rendre à des déductions définitives. Même si, par certains aspects, ils donnent plutôt à comprendre qu'ils préfigurent une lettre de mission qui poursuivrait de réduire de la liberté de la femme en matière de rupture de contrat de mariage. La référence au nombre, jugé effarant, des cas de divorce à la demande de la femme, ce qui est notamment désigné par le terme khol', suggère une velléité de revenir sur cette possibilité laissée à la femme de défaire, à sa demande, le lien du mariage, comme l'homme le ferait à travers la répudiation. Le chef de l'Etat a considéré que le khol' est "un phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur dans la société". Ce constat est à lire comme une orientation dictée au comité ad hoc qui devra se pencher sur "la révision et le réaménagement" des articles du code de la famille relatifs au divorce. D'où, d'ailleurs, l'inquiétude perceptible chez bien des juristes et chez les militants féministes. La directrice du Centre d'information et de documentation sur les droits des enfants et des femmes (Ciddef), Mme Nadia Aït Zaï, anticipe en dénonçant une injustice qui serait faite à la femme si le khol' est remis en cause. "Pour une équité entre les deux époux, il serait utile d'abroger les deux dispositions (le khol' et la répudiation, ndlr) et de mettre un alinéa dans l'article 48 du code la famille pour préciser que la femme peut demander le divorce sans motif." Mme Aït Zaï relativise, au demeurant, l'ampleur des divorces par voie de "khol". Selon elle, les répudiations sont plus nombreuses que les "khol" et leurs répercussions sur la cellule famille sont aussi, sinon plus, désastreuses. Les militants féministes ont raison de craindre une révision défavorable à la femme. Surtout, lorsque l'on sait ce que la pression des islamistes et des conservateurs peut induire comme concessions de la part du législateur. La disposition de la loi pénalisant les violences faites aux femmes qui stipule l'arrêt, sans, dans certains cas, des poursuites judiciaires si la victime pardonne, en est une parfaite illustration. S .A. I.