Résumé : Des coups au portail de la maison tirent Mordjana de ses rêves éveillés. À sa grande surprise, c'était son beau-père, Aïssa, qui revenait. Elle tente de lui être agréable malgré sa gêne, mais se heurte à ses ricanements. Le vieil homme lui révèle un secret : c'était lui qui devait l'épouser et non Samir. Elle sentit une onde de chaleur remonter le long de son dos. Qui était-elle donc ? Un jouet ? Une monnaie ? Que s'est-il réellement passé ? Son père lui avait parlé de ce mariage par des phrases à peine audibles... Il avait insinué qu'elle allait épouser un homme jeune et instruit... Mais était-ce sa première intention, ou est-ce Aïssa qui avait rétabli le jeu ? -Alors... Tu ne dis rien ? Elle sursaute. Aïssa la regardait avec des yeux globuleux : -Tu es trop silencieuse Mordjana. Tu n'es pas contente d'être dans la famille ? Samir ne te plaît pas ? Elle allait répondre lorsque la porte d'entrée s'ouvrit toute grande et Hasna fait son apparition. Elle jette un coup d'œil curieux à Aïssa, puis passe son chemin sans dire un mot. Profitant de cette intrusion providentielle, Mordjana la suit dans la cuisine. Elle décharge sa belle-mère des bouteilles de lait et des baguettes de pain qu'elle dépose sur la table. Aïssa les avait suivies. Hasna se débarrasse de son voile, avant de marmonner : -Tu es enfin rentré ! Il bombe le torse : -Oui... Je ne te plais pas ? Elle s'approche de lui et sentit l'odeur du vin : -Tu ne peux pas donc rester sobre une journée... Une seule journée ? Il secoue la tête : -Je t'assure que je n'ai pris qu'un verre... Heu... Peut-être deux... Pas plus. Elle pousse un soupir : -Un ou deux... C'est pareil... Tu as encore bu Aïssa... Tu me répugnes ! Il se met à rire et fais un clin d'œil à sa belle-fille qui rougit, puis lance : -Tu ne devrais pas dire ça Hasna... Voyons, je suis ton mari... Et puis, maintenant nous avons une belle-fille à la maison. Heu... Tu ne m'as pas encore parlé d'elle, Hasna. Comment la trouves-tu ? Hasna s'éloigne de lui et prend une baguette de pain qu'elle se met à découper en tranches pour les déposer dans une petite corbeille en osier. -Alors tu ne dis rien ? Mordjana est un beau brin de fille... Tu ne trouves pas ? Hasna continuait à découper son pain. L'atmosphère était chargée d'électricité. Mordjana ne savait plus quoi faire. Elle voulait se retirer dans sa chambre, mais c'était compter sans le regard désapprobateur que lui jetait de temps à autre sa belle-mère. Elle soutint ce regard un moment pourtant, mais finit par baisser les yeux et se retirer dans un coin de la cuisine. Aïssa continuait son numéro. Il parlait, gesticulait, riait... Sa femme dépose sur la table de cuisine des assiettes, une salade verte, du fromage, puis demande à Mordjana de servir alors qu'elle réchauffait le ragoût de pommes de terre qu'elle avait préparé dans la matinée. Aïssa prend place autour de la grande table et tendit son assiette d'un air espiègle : -Sers-moi un peu de cette salade Mordjana...J'ai si faim que je mangerais volontiers un mouton complet... (il rit)... Je sais que ma chère femme est un véritable cordon-bleu. Hum... Je sens déjà les délicieux relents de son ragoût... Allez vite, donne-moi du pain que j'entame mon repas... Il s'attaque à la salade, alors que Hasna déposait le plat de résistance sur la table, et s'asseyait à ses côtés. Elle n'avait proféré aucun son, et indiqua simplement de son menton la corbeille de fruits qui trônait sur le potager et que Mordjana alla chercher. La jeune femme était embarrassée. Devait-elle prendre son repas dans cette cuisine, auprès de ses beaux-parents, et subir les sarcasmes de Aïssa, ou refuser de déjeuner et s'excuser pour s'éloigner au plus vite. Pourtant les gargouillements de son estomac lui indiquaient qu'elle devrait penser à se nourrir convenablement. Le médecin lui avait demandé de prendre soin de sa santé et de manger équilibré si elle voulait éviter les complications opératoires. Hasna l'invite du regard à s'asseoir. Tel un automate, elle s'exécute et prend son assiette pour se servir un peu de ragoût qu'elle trouve d'ailleurs succulent. La sauce était légèrement épicée. Ce qui relevait le goût des pommes de terre et de la viande. À n'en pas douter, Hasna était une excellente cuisinière. Aïssa avait terminé sa salade et tendait son assiette. Mordjana se lève pour le servir. Mais Hasna l'arrête d'un geste et le sert elle-même. Il parut surpris, mais ne dit pas mot. S'occupant d'engloutir à grands bruits le contenu de son assiette, il gardera le silence jusqu'à la fin du repas, avant de roter bruyamment et de se lever en faisant tomber sa chaise. D'un geste prompt, il s'empare d'une orange et s'éloigne vers sa chambre sans demander son reste. Mordjana était offusquée. Elle repense aux dires de son beau-père et se demande si elle devait en discuter avec Hasna. Puis, se rappelle des sous-entendus de ce dernier... Il avait peur de la réaction de sa femme si elle apprenait la triste vérité. Samir avait voulu sauver la face, et s'était sacrifié... Il l'avait épousée pour éviter un drame familial. (À suivre) Y. H.