Berceau de la laïcité, la France est en train de faire le dur apprentissage du dialogue avec l'islam. L'accord obtenu au forceps par le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, en vue de créer un Conseil français du culte musulman (CFCM) a été débattu par tous les membres de la consultation sur l'islam, jeudi et vendredi derniers, lors d'un séminaire. La réunion a eu lieu dans une propriété du ministère de l'Intérieur, le château de Naikville-les-Roches, dans le département de l'Essonne, proche de Paris. L'accord obtenu par Sarkozy scelle treize années de consultation depuis que Pierre Joxe avait désigné, le 6 novembre 1989, un comité de six “sages” musulmans pour réfléchir à l'organisation du culte islamique qui concerne pas moins de 5 millions de personnes. Le chiffre englobe évidemment tous ceux vivant en France et provenant de pays musulmans. Pourtant, le rapport à la religion est varié, allant parfois jusqu'à une très large distanciation. Qu'importe ! L'islam des hangars et des caves (lieux de prière) fait tellement peur en ces temps marqués de l'empreinte de Ben Laden qu'il apparaît urgent de l'encadrer. La démocratie ne rimant point avec clandestinité, le gouvernement français tient absolument à identifier des interlocuteurs... Ce qui lui fait surtout peur, c'est le financement de ces mouvements religieux qu'il ne peut assurer en raison des principes “sacro-saints” de la laïcité. Une brèche dans laquelle s'engouffrent des gouvernements étrangers et des organisations occultes mais que Sarkozy, instruit par le démantèlement de groupes liés à El-Qaïda, ne veut plus laisser béante. La solution est pourtant loin d'être trouvée. Tout comme celle de la représentation des femmes sur laquelle Sarkozy n'a pas voulu transiger, en obtenant une présence féminine au sein du futur CFCM. “Il ne connaît pas la politique de grignotage des islamistes”, s'amuse à dire un ancien de la mosquée de Paris. À titre de comparaison, le MSP compte bien quelques figures féminines dans son majliss ech-choura. Mais elles sont là pour demander un durcissement du code de la famille. Il n'y a rien de paradoxal dans cette attitude du MSP qui a toujours besoin d'une couche de vernis pour dissimuler sa couleur naturelle. Le mérite de cette consultation engagée en France aura peut-être été de prouver aux dialoguistes de “tous poils” qu'avec les islamistes, il est toujours illusoire de rechercher le consensus. C'est courir derrière un mirage. D'ailleurs sitôt conclu, l'accord a été dénoncé. Les cinq grandes mosquées régionales qui participaient à la consultation (Lyon, Marseille, Saint-Denis, Mantes-la-Jolie, Evry) se sont senties flouées (voir notre édition de samedi dernier). Avant l'accord, Nicolas Sarkozy a été amené à faire une concession demandée par le plus fondamentaliste de ses interlocuteurs. L'UOIF, proche des frères musulmans (voir encadré), a obtenu que 80% des membres du CFCM soient élus. Sarkozy souhaitait seulement 55% pour permettre aux courants minoritaires (musulmans d'origine africaine ou turque) d'être représentés. “Le procédé démocratique et transparent de mise en place des instances dirigeantes du CFCM ne suffit-il pas à garantir une représentation légitime et équilibrée du culte musulman ?”, lui a rétorqué l'UOIF. Les islamistes savent décidément manier les principes de la démocratie quand ils peuvent les servir. L'accord obtenu par Sarkozy n'a pas été dénoncé seulement par les déçus de la consultation. “Cette consultation n'aboutira qu'à légitimer et crédibiliser politiquement le cheval de Troie de l'internationale intégriste au sein de notre République, l'UOIF”, dénonce un communiqué signé Democratia, qui demande à l'Assemblée nationale de “s'emparer de ce dossier qui menace notre cohésion républicaine”. A. O.