Le patron de Cevital explique que l'Algérie peut devenir un pays exportateur pour peu que certaines conditions soient réunies et que la volonté politique existe. Pour exporter, il faut d'abord produire en quantité et en qualité des produits compétitifs. Quand les produits regroupent ces deux qualités, il n'y a aucun problème à les placer sur le marché international. Avant tout investissement, il faut préalablement faire une étude de marché : - analyser les coûts ; - chercher des avantages comparatifs par rapport à ses concurrents internationaux ; - investir dans une taille critique afin de réduire les charges fixes ; - investir dans des équipements et des technologies de dernière génération ; - investir dans la formation du personnel et la transmission de compétence ; - réduire ses coûts logistiques. Le choix du lieu de l'investissement est fondamental. Ce ne sont pas seulement les entreprises qui doivent être compétitives mais aussi le pays. Un produit peut être compétitif au niveau d'une entreprise mais pas au niveau d'un pays pour des problèmes portuaires. À titre d'exemple, je peux vous citer un cas concret : Cevital peut exporter plus d'un million de tonnes de sucre blanc par an, mais elle n'en exporte que 500 000 tonnes/an parce que tout simplement le port de Béjaïa est saturé et nous n'arrivons pas à faire accoster tous nos bateaux à l'export. La rade nous cause des surcoûts de fret et des surestaries. On avait demandé à construire notre propre quai. Le gouvernement, à l'époque de Belkhadem, nous avait donné l'autorisation et quelque temps après Amar Tou, ministre des Transports, avait remis en question la décision du gouvernement. Faire passer notre pays du stade d'importateur au stade d'exportateur dans plusieurs secteurs d'activités et pour des milliers de produits est à notre portée. Faut-il, toutefois, qu'il y ait une volonté politique ! Cevital a fait passer notre pays du stade d'importateur au stade d'exportateur dans plusieurs activités et plusieurs produits tels que : - les huiles végétales raffinées ; le sucre blanc (50% pour couvrir les besoins nationaux et 50% pour l'export) ; le verre plat et ses dérivés (30% couvrent les 100% des besoins du pays et 70% sont exportés). Elle compte le faire aussi pour les fenêtres double vitrage et l'électroménager dès l'année prochaine. Pour l'électroménager seulement, Cevital compte exporter pour plus de 1,5 milliard de dollars par an dans les deux prochaines années. Je peux citer plusieurs exemples où on peut faire encore mieux et exporter pour plusieurs milliards de dollars hors hydrocarbures tout en réduisant nos importations. Aujourd'hui, l'Algérie importe les 100% de ses huiles végétales brutes et de ses tourteaux de soja pour un montant de 1,5 milliard de dollars par an. Nous avons un projet réalisé à 50% depuis dix ans qui doit non seulement couvrir les besoins du pays mais dégager plus de 1,5 milliard de dollars à l'export. Mais le projet attend toujours l'autorisation pour son achèvement. En attendant la mise en production de Samha 2 qui doit créer 7 500 emplois et produire près de 10 millions d'articles électroménagers par an dont 90% destinés à l'exportation, nous avons sollicité une autorisation au mois de décembre dernier du ministère de l'Industrie pour importer une ligne de production de machines à laver à 70% neuves appelée à produire immédiatement 500 000 machines à laver destinées au marché européen. À ce jour, nous attendons toujours l'autorisation. Nous avons un projet dans la pétrochimie qui pouvait fournir de la matière première compétitive à plus de 3 000 PMI algériennes qui peuvent toutes être exportatrices. Malheureusement, après plusieurs passages au CNI, notre projet n'a toujours pas vu le jour. Le projet de Cap 2015 de Cap Djinet qui devait dégager plus de 35 milliards de dollars à l'export tout en couvrant les besoins du marché national n'a jamais été autorisé. C'est pourquoi j'en conclus que ce n'est pas un problème technique, mais un problème de volonté politique. Quand il y a une volonté politique, les problèmes techniques sont faciles à résoudre. Lors du dernier Africa Ceo Forum de Genève, le Premier ministre de la Géorgie nous a déclaré qu'il a fait passer son pays de la 108e place mondiale à la 9e place en moins de quatre ans pour les facilités des investissements. Il a déclaré que "les réformes doivent être radicales, profondes et rapides". Si la Géorgie l'a fait, pourquoi pas l'Algérie ? Notre pays a tous les moyens de diversifier son économie, de créer le plein emploi, de développer ses exportations hors hydrocarbures jusqu'à dépasser nos importations et ne plus dépendre des hydrocarbures pour peu que la volonté politique libère et encourage toutes les initiatives créatrices d'emplois et de richesses. En 2025 — et c'est demain —, l'Algérie atteindra, voire dépassera, les 50 millions d'habitants. Nous consommerons plus de gaz, plus d'électricité et plus de carburants issus des hydrocarbures qui viendraient en déduction des quantités exportées aujourd'hui. Nous aurons plus de 10 millions de nouveaux demandeurs d'emploi et serons en cessation de paiement avec toutes ses conséquences. Si des décisions appropriées et immédiates ne sont pas mises en œuvre, ce sera le chaos. I. R. Allocution prononcée par M. Issad Rebrab, lors de la Conférence nationale sur le commerce extérieur tenue les 30 et 31 mars 2015