La polémique sur la cause du décès des enfants de Bourouba ne s'éteindra sûrement pas de sitôt. On peut penser que leurs familles, opprimées par la douleur, refusent de croire au simple accident. Mais il n'y a pas que les parents qui contestent la version des services sanitaires et sécuritaires dans ce drame. Chacun s'évertue à tester la théorie de l'accident par de virtuelles reconstitutions des faits. La méfiance vis-à-vis des interprétations faites par les pouvoirs publics a conduit le commun des Algériens à se forger ses propres instruments qui servent à éprouver la version rendue publique par les autorités. Ce réflexe, né d'une réaction à la communication hésitante qui a toujours accompagné les actes terroristes, s'est étendu à l'ensemble de la vie nationale. Aucun bilan, aucune appréciation, ni aucune promesse n'ont grâce aux yeux des Algériens, pour peu qu'ils proviennent d'une source autorisée, justement parce qu'elle est “autorisée” et donc suspecte d'appartenance au système global qui n'a pas la réputation de la sincérité dans ses rapports aux citoyens. Même la presse dite indépendante y a laissé des plumes tant elle est régulièrement prise en flagrant délit de connivence. Que c'est donc laborieux d'imposer une version officielle des évènements auprès de l'opinion courante ! Chat échaudé craint l'eau froide. La pratique de la dissimulation, du maquillage et du recyclage de la réalité est caractéristique de la communication officielle. Si bien que lorsqu'une institution se résout à dire la vérité parce qu'elle y consent parfois ou parce que cette sincérité l'avantage, elle ne trouve pas beaucoup de monde pour la croire. Il est vrai que la mystification est constitutive du mode de gouvernance nationale. Le faux ne touche pas qu'aux données immédiatement politiques ou sécuritaires comme les résultats électoraux, les statistiques économiques et sociales. Il a atteint des domaines a priori objectifs et dont, parfois, l'état ne dépend même pas de la responsabilité du pouvoir. Le précédent de l'intensité erronée du séisme du 21 mai 2003 a fini par décrédibiliser toutes les informations ultérieures sur les causes et les effets de cette catastrophe. On comprend difficilement que s'agissant d'un phénomène naturel, la faute, volontaire ou non, ne fut rectifiée que quelques jours plus tard après que des observatoires étrangers eurent diffusé leur propre évaluation. Depuis, après chaque secousse, des sceptiques se branchent sur des sites internet pour confronter le chiffre local avec des calculs d'autres stations sismologiques. Parfois, on ne se soucie même pas de joindre le geste à la parole. Ainsi en fut-il du cratère extérieur et des traces d'explosion visibles sur le trottoir et sur le mur pour ceux qui passent aux abords de la centrale électrique d'El-Hamma pendant qu'on s'échinera, des jours durant, à vendre par les mots la version de l'accident domestique. Il est inutile de s'en prendre au scepticisme des Algériens. Il a été semé, cultivé et renforcé par l'usage immodéré de la propagande outrancière. Dans des ambiances dramatiques, il s'exacerbe. Ainsi est fait le lit du nihilisme qui caractérise aujourd'hui nos concitoyens. Que dans tel cas précis, le pouvoir dise vrai importe peu. Car, au total, le discrédit général du système est largement mérité. C'est à lui de voir s'il veut reconstruire quelque confiance entre les Algériens et leur Etat. Ce qui est une autre histoire, car cela suppose un autre type d'Etat. M. H.