Choc Hébétude, incohérence, les parents meurtris ne réalisent pas encore tout à fait ce qui est arrivé. Au bloc I 4/10, un décor sinistre s?offre à une foule immense qui a du mal à croire à cette malédiction qui s?est abattue subitement sur le quartier. «Je me suis vite rendu sur les lieux, mais je n?ai pu voir ma fille ni les enfants de mes voisins, tellement il y avait un monde fou et un fort dispositif. Je voulais passer, je frappais tout le monde puis je me suis évanoui», martelait Abderahmane. Hier soir, au domicile des Rahmouni, là où s?entassent 46 personnes issues de cinq mariages et où l?on survit avec la «baraka» de Dieu, l?ambiance est cruellement morose. Dans le salon du deuxième étage, le téléphone sonne toutes les deux minutes. La porte s?ouvre chaque fois qu?un parent ou un voisin entre pour les condoléances et les consolations, c?est-à-dire chaque minute. Laâmouri et Abderahmane ont suffisamment de courage pour parler. Khemisti, lui, a disparu. «On ne sait pas où il se trouve», dit Laâmouri. «Il a pris les photos des petits et est allé à la police. Maintenant, il doit être à l?hôpital», rétorque une vieille femme, une parente de la famille venue de Sour El-Ghozlane d?où sont originaires les Rahmouni. Maintenant, il faut penser à l?enterrement et à réapprendre à sécher les larmes. «Je ne sais pas s?ils vont les enterrer demain (aujourd?hui Ndlr), cela dépendra du médecin légiste, mais en principe l?enterrement se fera au cimetière Boubsilla, c?est là que tous les morts de la famille sont enterrés», déclare Laâmouri. Entre deux phrases inachevées, l?homme prend un mouchoir en papier pour sécher ses larmes. Hier, tard dans la nuit, plusieurs versions s?entrechoquaient. Que s?est-il réellement passé ? Kidnapping, histoire scabreuse de trafic d?organes, règlement de compte dont ont été victimes des enfants ou simple accident ? A Bourouba, ce sont mille versions et mille supputations. Mais Ammam, le père, ne croit pas à l?accident, car les enfants ne pouvaient, en aucun cas, fermer la porte du comptoir frigorifique derrière eux étant donné que celle-ci ne peut se fermer que de l?extérieur. «Non, qu?ils ne nous fassent pas avaler la pilule. Non, ce n?est pas un accident. Les enfants étaient soit mis de force dans le frigo, soit kidnappés, assassinés puis jetés la nuit dans le frigo pour faire croire qu?il s?agissait d?un accident.» Laâmouri est, quant à lui, très incohérent. Normal pour un homme meurtri dans sa chair et psychologiquement hors du coup. Tantôt, il parle d?accident : «Les enfants jouaient dans le frigo et se sont retrouvés coincés» tantôt de rapt : «Ce sont des criminels qui les ont tués.»