Port-Saïd est florissant tout simplement parce que les besoins en devise sont importants. Le square Port-Saïd à Alger est considéré comme une banque parallèle à ciel ouvert fonctionnant comme une bourse où le cours évolue de jour en jour selon l'offre et la demande. Très actif en raison des maigres allocations touristiques (l'équivalent de 15 000 DA, environ 130 euros selon le cours officiel), le marché de l'informel des devises du square Port-Saïd reste la destination par excellence des acheteurs. Ce marché parallèle de la devise reste prospère avec des transactions se chiffrant au total au moins à plusieurs milliards de dollars. La demande en monnaie étrangère se fait de plus en plus grande malgré sa cherté. Beaucoup d'Algériens recourent au marché parallèle pour obtenir les devises pour leurs voyages. D'autres pour des médicaments indisponibles ou des soins à l'étranger, d'autres encore pour les frais d'études à l'étranger de leurs enfants. Par ailleurs, ce sont les agences de voyages qui, à défaut de bénéficier du droit au change, recourent elles aussi aux devises du marché noir. Au square Port-Saïd, la scène n'a pas changé depuis des années. Les cambistes sont toujours là. Sous les arcades, à même la chaussée, ils sont adossés aux voitures stationnées. Ils sont là à toute heure de la journée. La même gestuelle est répétée machinalement. De grosses liasses de billets (dinars, euros, dollars), pincées dans la paume d'une main, sont agitées en éventail. Ils comptent et recomptent. à la fin de la semaine dernière, l'euro, la monnaie la plus vendue, s'échangeait à 159 DA à l'achat et 157 DA à la vente. Le dollar, pour sa part, était proposé à 149 DA à l'achat et à 147 DA à la vente. Au cours officiel, les parités sont de 104 et 98 DA face respectivement à l'euro et au dollar. Au marché noir, l'euro est à peine à moins de 50% plus cher que sur le marché officiel. à part la question qui consiste à demander le cours des monnaies, il est difficile d'engager la discussion avec les vendeurs. La réserve semble être de mise en ces lieux. Mais avec un peu de tact et de patience, les langues se sont un peu déliées. Pour certains cambistes, le maintien de l'euro à des niveaux aussi hauts s'explique par la sacro-sainte règle de l'offre et de la demande. Un vendeur souligne que la hausse de l'euro est due à la rareté de cette monnaie sur la place. La demande sur l'euro dépassant l'offre, les prix augmentent. Pour un autre, le gros des vendeurs se compose généralement de retraités algériens de France. Avec le décès de nombreux d'entre eux, l'offre a diminué. Les acheteurs n'ont pas vraiment le choix. Selon certains experts, la forte demande d'euros sur le marché parallèle est, en partie, soutenue par des importateurs algériens qui achètent au noir les devises pour pouvoir payer cash leurs achats de produits, notamment en provenance de Chine. Cela leur permet ainsi de dissimuler au fisc une partie de leur chiffre d'affaires, en trichant sur les déclarations à la douane. Le recours au marché parallèle des devises par les importateurs s'est accru depuis l'instauration en 2009 de l'obligation de payer les importations par lettre de crédit. Le marché de la devise reste géré de manière chaotique par le gouvernement, qui admet l'existence d'un marché parallèle sans pouvoir le contrôler. Des agréments ont été accordés par la Banque d'Algérie pour la mise en place de bureaux de change, mais ces bureaux n'ont jamais fonctionné. Ce qui pousse à croire que le change sur le marché parallèle a encore de beaux jours devant lui. S. S.