Les Algériens doivent comprendre que tous les pays réglementent la vente des boissons alcoolisées et que notre pays doit en faire autant. Le ministre du Commerce, Amara Benyounès, s'est exprimé hier, sur les ondes de la Radio algérienne, sur la question qui fait polémique actuellement, sur les réseaux sociaux et de certains médias, à savoir la vente des boissons alcoolisées. Invité de la rédaction de la Chaîne III, ce dernier a confirmé le gel de son instruction relative à la vente d'alcool, en tentant de défendre son département, mais aussi de justifier la décision du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, venue remettre sur le tapis la fragilité de la cohésion au sein du gouvernement et les limites de la marge de manœuvre des membres de l'Exécutif. "Je ne suis pas un religieux, je ne suis pas un imam ou un mufti, mais je suis un ministre de la République", a déclaré M. Benyounès. Ce dernier a rappelé la mission "très simple" qui lui est dévolue, qui consiste à "faciliter l'acte de commercer pour les commerçants algériens et (à) annuler toutes les instructions qui n'étaient pas règlementaires ou légales". Et, c'est dans ce cadre qu'il a signé "une trentaine d'instructions", parmi lesquelles figure celle de la vente de l'alcool du 19 février dernier. Le ministre du Commerce a tenu, par ailleurs, à s'expliquer sur "le contexte" de cette affaire ayant provoqué une levée de boucliers islamistes, en dénonçant "les nombreuses manipulations" et l'immixtion de "nombreux lobbies". Sans la citer, il a parlé d'une wilaya où une manifestation anti-alcool "a été organisée par deux revendeurs de boissons alcoolisées, qui veulent garder le monopole". Le Premier ministre aurait-il fait le jeu de certains lobbies ? "Depuis une quinzaine de jours, je suis victime d'un lynchage médiatique hallucinant qui obéit à des objectifs politiques et maffieux", a-t-il soutenu, non sans signaler que plus de 70% de la vente des boissons alcoolisées s'effectuent dans "l'informel" et donc dans "la contrebande". Pour l'invité de la Radio algérienne, les Algériens doivent comprendre que tous les pays règlementent la vente des boissons alcoolisées et que notre pays doit en faire autant. "Vous ne pouvez pas ouvrir un débit de boissons au détail si vous n'avez pas une licence", a-t-il énoncé, en s'attachant à son rôle de ministre de la République. Au cours de l'émission, il plaidera pour "la liberté de commerce" et le retour des licences d'importation et d'exportation qui, selon lui, sont essentielles pour réaliser l'objectif de "transparence" et "d'assainissement". Pour ce qui est de l'attitude de M. Sellal, Amara Benyounès a assuré que ce dernier, "pour apporter de la sérénité et de l'apaisement dans cette affaire, a décidé de geler l'instruction". Plus loin, il réitèrera son interprétation du geste du Premier ministre, en l'accompagnant cette fois de la précision suivante : "Nous sommes un gouvernement responsable." Doit-on interpréter la décision de M. Sellal comme une concession aux islamistes et aux traditionnalistes ou la comprendre comme une sorte de réhabilitation de l'activité illégale, voire informelle, comme le suggère le ministre du Commerce ? La récente campagne qui vient de cibler M. Benyounès rappelle celles menées, depuis près d'une décennie, qui ont abouti à la fermeture de bars, par les autorités. Pourtant, aucune loi n'interdit la consommation, la production et la commercialisation de l'alcool en Algérie. Mais, comme la nature a horreur du vide, des bistrots sans licence et autres lieux clandestins de consommation de boissons alcoolisées ont vu le jour et se sont multipliés, à travers le territoire. À la grande satisfaction des promoteurs et protecteurs du secteur informel. Aujourd'hui, la question est de savoir si l'Algérie s'achemine vers la prohibition, car si tel est le cas, il faudra méditer sur les propos du président de l'Association des producteurs algériens de boissons (Apab) : "La prohibition aux Etats-Unis a eu des conséquences : prostitution, drogue et banditisme risquent de prendre de l'ampleur." H .A.