Lors d'un rassemblement national organisé, hier, à Constantine, les représentants syndicaux ont rejeté la privatisation prononcée par le gouvernement. Pour eux, les hôtels doivent rester la propriété des travailleurs. Sans aller dans le détail pour expliquer ce qui peut déranger les intérêts des travailleurs dans une telle revendication la veille de l'élaboration d'un pacte social et économique, les responsables de la fédération et les cadres syndicaux du secteur touristique public, réunis hier à Constantine, ont rejeté le principe même de la privatisation. “Ces entreprises resteront propriété des travailleurs, et nous les (entreprises, ndlr) donnerons aux travailleurs malgré les réticences des uns et des autres”, clamera le secrétaire général de la fédération, Rabah Brahmia, sous les applaudissements nourris de ses collègues. Abondant dans ce sens, le président de la section syndicale de l'EGT Est, qui cumule aussi les fonctions de directeur de complexe touristique, ira jusqu'à déposer une offre d'acquisition “formulée par les travailleurs de l'entreprise”, alors qu'il est censé représenter l'agent fiduciaire de l'Etat qu'est le CPE, aujourd'hui au banc des accusés. C'est le secteur public avec toutes ses contradictions. Ainsi, à l'exception des délégués de l'EGT Centre, la plus importante et performante du pays, qui ont demandé à être associés à la démarche afin que la privatisation apporte le plus qui manque à nos hôtels publics, comme c'est le cas avec l'expérience réussie des hôtels Sofitel et Mercure d'Alger, le reste des syndicalistes s'est posé comme repreneur exclusif des hôtels à privatiser. Le ton était à la menace quand les syndicalistes furent appelés à interdire l'accès des établissements aux futurs acquéreurs. Chez les conclavistes, on arrive difficilement à saisir si les syndicalistes cherchent à défendre les intérêts des travailleurs ou le caractère juridique de l'employeur. Une confusion qui découle certainement du fait que, à la longue, les réformes de 1988 relatives à l'autonomie des EPE ont débouché, dans leur volet social, sur la confusion de rôles et où les comités de syndicats et les comités de participation des travailleurs ne faisaient qu'un. Le conclave d'hier a été une tribune à partir de laquelle les syndicalistes des EGT et de l'ONAT ont rejeté “le principe de la privatisation”. Pour toute proposition, une seule, fut avancée par le président de la fédération : “Que les repreneurs potentiels aillent investir en implantant de nouveaux établissements dans un pays qui ne manque pas d'espace !” Un extrémisme en rupture avec le “oui, mais…” de la centrale et des positions antérieures de la fédération. Reste que dans la société, le concept de privatisation n'est plus aujourd'hui un tabou et que les bénéfices affichés par les établissements touristiques du pays cachent un déficit en investissements qui allège le poste amortissement généralement très lourd dans les bilans comptables dans la profession. Ils cachent aussi la situation de monopole qu'exercent les offices sur le marché le plus juteux qu'est le hadj. Les spécialistes, eux, relèvent que seuls les hôtels urbains sont en bonne santé financière et économique avec comme grand client “l'Etat, grand dépensier”. À moyen terme face à la concurrence, il y a risque de les voir connaître le même sort que les complexes thermaux qui furent, et ce, jusqu'au début des années 1990, la vache laitière du secteur avant de sombrer ensuite dans le déséquilibre structurel. À ce propos, les plus modérés des syndicalistes rencontrés en marge de cette rencontre nationale se posent une série de questions légitimes. L'Etat, unique propriétaire de ces entreprises, attendra-t-il ce jour-là, en dépit du bon sens et de la veille stratégique, pour ne les proposer à la privatisation qu'une fois sans valeur marchande ? Enfin, les 1 250 travailleurs du secteur ont-ils assez d'arguments pour peser dans la décision d'un gouvernement soumis à l'obligation de résultats en matière de réformes économiques ? M. K.