Lâqiba, El-Hamma ou encore le Ruisseau rétrécissent telle une peau de chagrin au vu du nombre de bâtisses menaçant ruine. À l'allure où va l'usure de la physionomie urbaine de Belouizdad, force est d'admettre qu'il ne restera plus grand-chose d'ici peu du parc immobilier dans le style architectural haussmannien de l'ancien quartier de Belcourt. Pis encore, moult îlots d'immeubles s'effritent et concourent à raccourcir un peu plus le Bastion des manifestations du 11 Décembre 1960, telle une peau de chagrin. 79 ! C'était le nombre d'édifices menaçant ruine, eu égard à l'état de vétusté qu'avait aggravé le séisme du 21 mai 2003 de Boumerdès et classés ainsi dans la catégorie dite IMR sur l'état d'inventaire arrêté au 31 décembre 2010. Et depuis, le lot d'immeubles délabrés s'en est allé crescendo, notamment à l'aube fatale du séisme du 1er août 2014, où une seconde "tranche" de 48 immeubles est venue s'ajouter avec l'effrayante mention "Rouge 5" inscrite aux frontons de façades d'immeubles, en accord avec les conclusions de l'équipe d'experts de l'organisme du CTC-centre, a déclaré M. Taïb Abdellah, le vice-président chargé de l'aménagement de l'urbanisme, du tourisme et de l'artisanat lors de l'entretien qu'il nous a accordé au siège de la municipalité de Belouizdad. Un entretien enrichissant puisqu'il fut interrompu de temps à autre par le brouhaha inhérent à l'accueil de citoyens venus s'enquérir, qui, pour la plupart, de l'octroi d'un toit, qui pour signaler l'acte de "brigandage" de véreux quêteurs de logements en vue de sa... revente. "En plus des conclusions de la commission d'enquête sociale, il convient d'établir d'abord le distinguo par un dossier administratif et l'apport de l'empreinte digitale de l'intéressé lui-même, par devant l'élu, tel qu'il est stipulé par la Direction du logement de la wilaya d'Alger", a déclaré notre interlocuteur. Ceci dit, l'entrevue s'est focalisée autour de l'incommode dossier de l'IMR et son corollaire de relogement et de démolition. D'où l'urgence d'évacuer en premier lieu, les habitants sous d'autres... "toits" plus cléments. "Première étape, Ouled-Chebel où furent relogés en date du 23 juin 2014, cent familles issues de treize bâtiments classés IMR. Outre cela, il y eut, le 8 août de la même année, le relogement vers Ouled Mendil de quinze familles issues de trois immeubles qui menaçaient également de s'écrouler. À signaler aussi le déménagement en ce 28 octobre 2014 de 146 familles qui occupaient 23 bâtisses durement touchées par l'intense secousse ainsi que 42 familles qui étaient logées dans une dizaine d'édifices tout aussi vétustes", a tenu à préciser notre interlocuteur. Du reste et pour éviter le danger dû à la "mitoyenneté" de la bâtisse "endolorie", il y eut la démolition de l'îlot d'immeubles situés au 167, 169 et 198, rue Hassiba-Ben-Bouali (ex-Sadi Carnot), afin d'anticiper sur l'effondrement d'un immeuble classé IMR à même d'endommager un édifice... solide. Pis encore, les démolitions se succèdent ainsi les unes aux autres, entre autres au 9, rue Rabah-Djaballi ainsi qu'au 18 et 45 rue Mohamed-Layache. Pour clore une liste qui n'est malheureusement pas pour autant exhaustive, l'immeuble sis 10, rue Souidani-Abdelkader du marché T'nach (12h) vient d'être démoli. Ainsi donc, et au total, il y a eu 31 immeubles démolis à Belouizdad grâce au savoir-faire du duo d'entreprises de démolition, en l'occurrence, la direction des travaux publics et la direction de l'hydraulique de la wilaya d'Alger. Ce qui est énorme ! "Ce qui reste à faire, c'est la démolition de quinze immeubles dans le secteur d'Abdelkader-Chaâlal ainsi que le relogement de 192 familles qui occupent trente immeubles tout aussi vétustes et classés IMR. C'est en supplément à la centaine de familles qui résident en ce moment aux centres de transit Rouchaï-Boualem, connu sous la désignation de 72, rue de l'Egalité, et de Robert-Rondon, à El Annassers, au lieudit Mirabeau", a ajouté notre interlocuteur. Autre dilemme, le legs de parcelles recueilli à la suite des démolitions d'immeubles suscite actuellement la controverse née autour de la nature juridique du foncier à la suite des querelles des héritiers. "Nous sommes dans l'attente d'une réflexion sur ce sujet par les pouvoirs publics qui se doivent de se prononcer sur l'utilisation rationnelle de ces assiettes de terrain", a déclaré notre interlocuteur. Tout bien considéré, le patrimoine bâti de Belouizdad s'en va ainsi à vau-l'eau et génère, par ricochet, et tout autant que la séculaire Casbah d'Alger, le logement tous azimuts. C'est qu'il y a encore énormément de cas socialement cruels à caser. Et s'il y a une preuve de l'envergure de l'opération de relogement à venir, celle-ci est à chercher dans l'amas inouï de boîtes d'archives où gît le tas de dossiers qui s'actualisent au gré des programmes de logements. Dommage, sommes-nous tentés de dire pour Laâqiba, El-Hamma et le Ruisseau qui furent naguère des lieux qui ont concouru à la prospérité de Belouizdad. À l'exemple de sa "vitrine" maritime de 1,6 km dans le littoral d'Alger, qui devrait permettre à Belouizdad de prospérer à la faveur de la manne financière qui coule de source de l'usine de dessalement d'eau de mer d'une capacité de 200 000 mètres cubes/jour inaugurée le 28 février de l'an de grâce 2008 sur sa berge territoriale par l'opérateur General Electric. Mieux, Belouizdad a plus d'"un atout touristique dans sa manche" par l'embellie pécuniaire à l'ombre du Jardin d'essai d'El-Hamma, du Musée national des beaux-arts et de la Grotte du captif d'Alger, Cervantès. Cependant, notre interlocuteur ne désespère de voir un jour Belouizdad reconquérir la place qui était la sienne dans le gotha de villes industrialisées. "Nous œuvrons pour que la commune de Belouizdad reconquière sa position de premier "holding" d'une zone industrielle conçue, comme dans le passé, à la périphérie de bled Sidi-Abderrahmane, si riche à l'époque d'usines et d'entrepôts, dont les célèbres halles centrales d'Alger, ouverts au tout début du XIXe siècle", a conclu notre interlocuteur. C'est que Belouizdad a les moyens de ses prétentions et d'autant d'atouts pécuniaires à la faveur de l'impôt fiscal que génèrent deux téléphériques qui relient Belouizdad vers El-Madania (ex-Salembier) et Maqam Echahid (sanctuaire du Martyr). Seulement, ce n'est pas encore le cas, puisqu'il y a tant à faire ! Et lorsqu'on a fait le tour du Belouizdad qui nous file entre les doigts, il reste à faire aussi le détour spirituel par le mausolée de Sidi M'Hamed Bou Qobrine (Le saint aux deux tombes) afin de prier ardemment pour que Belouizdad garde son patrimoine bâti. Il y va de l'histoire d'Alger résistante. L. N.