Avant de quitter ses fonctions de premier ministre en septembre 2003, Mahmoud Abbas s'est présenté devant le Conseil législatif palestinien, où il a profité de l'occasion pour mettre à nu les dysfonctionnements de l'Autorité palestinienne. Si Mahmoud Abbas a commencé par reprocher à Israël son peu de dynamisme à aller jusqu'au bout des négociations de paix à travers son refus de relâcher davantage de prisonniers palestiniens et surtout d'aborder la question des réfugiés, il n'a pas épargné les institutions palestiniennes. Yasser Arafat incontestable D'emblée, il écarte toute idée de rivalité avec Abou Ammar, qui tire selon lui sa légitimité de son combat antérieur à son élection à la tête de l'autorité palestinienne. Il insistera, d'abord, sur la légitimité de Yasser Arafat, en disant : “Je fais partie de cette légitimité. Je suis un de ceux qui ont établi cette légitimité.” “Je ne peux dévier, faire scission ou affronter la légitimité représentée par Yasser Arafat. Si nous ne sommes pas d'accord, tout ce que je peux faire c'est partir, seul”, concède-t-il à propos du chef historique de la lutte du peuple palestinien. Il ajoutera : “Mes relations avec le frère Abou Ammar sont historiques. Ce n'est pas la première fois que nous ne sommes pas d'accord. Mais je ne le hais pas et il ne me hait pas. Je ne sais pas vraiment s'il me hait, mais moi je ne le hais pas.” Les raisons de l'échec des négociations avec Israël En attaquant le point des négociations de paix, Mahmoud Abbas révélera un point capital au sujet de la partie responsable de l'opération. Alors que tout le monde pensait que l'autorité palestinienne dirigeait la manœuvre, Abou Mazen pensait que c'était l'OLP, tel que stipulé dans les accords d'Oslo de 1993, qui menait la cadence. Ainsi, il a légué ses fonctions de principal négociateur comme le lui conférait son poste de secrétaire général du comité exécutif de l'OLP, à Saeb Erekat. Ce dernier n'obéissait qu'à Yasser Arafat. À ce propos, Mahmoud Abbas confirmera : “Tout ce qui se passe dans les négociations est ordonné par Yasser Arafat. On ne fait pas un geste, on n'écrit rien et on ne dit rien, on ne soulève aucune question et ne concluons aucun accord sans qu'il ait donné son autorisation. Les négociations ne sont donc pas notre affaire, ni l'affaire du gouvernement. C'est l'affaire de l'OLP, qui définit la politique, et du comité de négociations qui met en œuvre cette politique.” Ambiguïté sur la question de la représentation internationale Qui dirigeait la diplomatie palestinienne ? La question mérite d'être posée car Mahmoud Abbas, lorsqu'il était premier ministre, n'était pas capable d'y répondre. Il a d'ailleurs soulevé ce point devant les membres du conseil législatif pour montrer à quel point la confusion régnait à ce sujet au sein de l'autorité palestinienne. Nabil Shaath, le ministre des affaires étrangères était obligé de s'éclipser devant le chef du département politique de l'organisation de libération de la Palestine, Farouk Kaddoumi. Comme ce dernier avait une prééminence absolue en matière de politique, le chef de la diplomatie de l'autorité palestinienne avait pratiquement un rôle protocolaire, en raison de l'impossibilité de faire venir Farouk Kaddoumi à Ramallah à cause de son statut vis-à-vis d'Israël. Cette ambiguïté rajoutait à la complexité de la tâche des négociations de paix. Des plaintes affluaient de partout quant à la difficulté éprouvée par les partenaires de l'autorité palestinienne de pouvoir s'adresser une bonne fois pour toutes à un interlocuteur permanent. Pis, Kaddoumi et Shaath avaient parfois un discours contradictoire, d'où l'imbroglio pour les étrangers dans leurs relations avec Yasser Arafat, qui chapeautait à la fois l'OLP et l'autorité palestinienne avec, toutefois, deux représentants différents pour sa politique étrangère. Le financier perd ses repères Spécialiste en économie, Mahmoud Abbas a, pour ne pas envenimer ses relations avec Yasser Arafat, soit par naïveté, perdu les pédales dans la gestion des finances de son gouvernement. Sans attaquer directement l'OLP, il révélera que 15% des salaires des fonctionnaires de l'autorité palestinienne, payés par l'Union européenne, étaient prélevés illégalement pour financer l'Intifadha. Il s'est déclaré incapable d'expliquer la situation de monopole exercée par un certain nombre de responsables de l'autorité palestinienne sur les produits pétroliers, cigarettes et autres, qui grevait le trésor palestinien. À titre d'exemple, l'abolition du monopole sur le pétrole a fait économiser à l'autorité palestinienne pas moins de six millions de dollars par mois. Il a dénoncé le paiement en espèces des salaires des services de sécurité, ce qui occasionnait des pertes colossales au trésor public et empêchait de connaître les salaires réels de chaque employé. La tentative d'assainissement lui a coûté son poste Sans le dire ouvertement, Mahmoud Abbas a bien démontré que ses tentatives de normaliser les finances de l'autorité palestinienne ne sont pas étrangères à son départ du poste de premier ministre. Tous ceux qui ont vu que leurs privilèges étaient menacés n'ont pas hésité à intervenir auprès de Yasser Arafat, afin qu'il mette fin aux fonctions de Abou Mazen. Ainsi, la limitation de ses prérogatives sur le plan de ses contacts avec Israël est loin de constituer la principale raison de son départ de la Mouqataâ. K. A.