Le Premier ministre israélien ferme la fenêtre de l'espoir ouverte par l'élection d'Abou Mazen. Qu'attendent finalement les Israéliens du président palestinien à peine élu et à peine installé dans ses fonctions ? Après avoir proclamé le gel des contacts avec les Palestiniens, le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, a ordonné hier des raids «sans limite de temps» sur la bande de Gaza. Ainsi, à la main tendue par Mahmoud Abbas, Sharon a répondu en actionnant ses forces armées contre les Palestiniens. En fait, les Israéliens nient un fait primordial, l'état de guerre entre Israël et les Palestiniens, et que seules des négociations avec les Palestiniens donneront de mettre un terme à la violence dans les territoires et en Israël qui subit le contrecoup de son entêtement à vouloir imposer aux Palestiniens des conditions inacceptables car inefficaces et ne tenant pas compte de la réalité du terrain. Les Israéliens attendent de l'Autorité palestinienne qu'elle «désarme» les groupes de résistance, qu'elle assure la «sécurité» des colons israéliens alors même que l'armée israélienne s'est acharnée lors des quatre dernières années à détruire l'Autorité palestinienne à déstabiliser ses services de sécurité. Par ailleurs, la paix s'obtient entre deux belligérants, qui sont Israël et les Palestiniens, or, l'Etat hébreu qui ne voit pas les choses de ce point de vue, estime qu'il s'agit d'un problème interne, qu'il suffit d'utiliser la force pour y mettre un terme, escamotant de la sorte, le fond-même du conflit, qui demeure l'occupation des territoires palestiniens. En tout état de cause, en recourant à la force sans donner le temps à Mahmoud Abbas de se retourner, Ariel Sharon prend la responsabilité de saborder les dernières chances de remettre sur les rails le processus de paix dans les territoires. Ce qu'affirmait hier le ministre palestinien des Affaires étrangères, Nabil Chaâth en indiquant dans un point de presse «Cette politique (les raids contre des objectifs palestiniens) ne servira pas le processus de paix et j'appelle le peuple israélien à la repousser». Sharon reproche à Abou Mazen de n'avoir pas bougé le «petit doigt» pour la «démilitarisation de l'Intifada» que, certes, Mahmoud Abbas a prôné dans ses nombreux discours, mais qui, tout de même, demande, outre du temps, un dialogue entre toutes les parties palestiniennes concernées. De plus, cette démilitarisation, si elle est possible, ne peut se faire du jour au lendemain et nécessite la contribution tant de l'Autorité palestinienne que des groupes armés. De fait, cette démilitarisation doit être la résultante du processus de négociation et suivre et non précéder les négociations comme l'exige Israël. Israël, qui semble avoir un concept tout à fait particulier de ses liens avec les Palestiniens, met la charrue avant les boeufs. L'arrêt de la violence doit être le résultat de négociations entre les deux parties belligérantes et non comme le veut Israël un préalable. L'histoire en témoigne, toutes les guerres se sont achevées par des accords de paix négociés par les belligérants, à moins que, contre toute raison, Israël estime que les Palestiniens ne sont pas partie prenante du processus de paix et que tout se tient à une affaire de «terrorisme» que la police et l'armée auront à éradiquer. D'ailleurs, en ordonnant hier à l'armée israélienne «d'opérer contre les terroristes» Sharon met en évidence le cadre qu'il entend réserver à ses relations avec les Palestiniens. «La situation actuelle est inacceptable et ne peut pas durer. Tsahal (armée israélienne d'occupation) et les forces de sécurité ont reçu pour ordre d'opérer sans limitation de temps et par tous les moyens contre les organisations terroristes» a affirmé hier Sharon en conseil des ministres. Au langage modéré des Palestiniens, Sharon oppose le diktat et l'intransigeance. Mettant en exergue le fait que la politique de Sharon ne servira pas le processus de paix, le chef de la diplomatie palestinienne, Nabil Chaâth, a également indiqué qu'«Abou Mazen est prêt à poursuivre le processus de paix et à accentuer ses efforts afin que ce processus réussisse et que des pourparlers de paix s'engagent, mais il est clair pour nous que Sharon est de son côté prêt à multiplier les meurtres et les démolitions». Autant dire que le mandat de Mahmoud Abbas commence sous de mauvais augures et que Sharon n'aurait pas agi autrement s'il voulait mettre des obstacles sur la route du président palestinien et lui compliquer la tâche. De fait, Israël qui semblait attendre du modéré et pragmatique Abou Mazen une reddition pure et simple, enrage du fait qu'il maintient le cap des revendications palestiniennes qui restent singulièrement des négociations avec Israël dans le cadre du processus de paix et l'érection d'un Etat palestinien aux côtés de l'Etat juif. Les raids contre Gaza peuvent ainsi être assimilés à une intimidation de Sharon à l'endroit de Mahmoud Abbas, ouvert à toutes les propositions pour arriver à la paix, mais ferme sur les principes.