Le patron de l'Intérieur représente le chef de l'Etat à la réunion des 5+5. C'est la seconde fois, en quelques mois, que lui est délégué ce type de responsabilités. D'apparence anodine, l'information rapportée avant-hier par l'agence officielle faisant état de la participation du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, M. Nourredine Yazid Zerhouni, aujourd'hui à Paris, à la réunion des ministres de la Défense des pays de la Méditerranée occidentale (5+5) n'est pas sans soulever quelques interrogations. Et la première sans doute, bien qu'elle soit dans l'air du temps depuis quelques mois déjà, est celle de savoir si l'inamovible responsable du département de l'Intérieur est pressenti pour occuper le portefeuille de la Défense nationale dans le prochain remaniement gouvernemental que certaines sources annoncent imminent. Ceci dans le cas où le président de la République compte désigner un ministre à la tête de ce département, ce qui serait une première depuis l'indépendance. Bien entendu et comme de coutume, le communiqué de l'Intérieur prend la précaution de préciser que “Nourredine Zerhouni participera à cette réunion en représentant le président de la République, ministre de la Défense”, M. Abdelaziz Bouteflika. Mais faut-il pour autant se suffire d'une lecture du communiqué au premier degré ? S'il faut se garder de tirer des conclusions hâtives, il n'en demeure pas moins que certains indices confortent la thèse, invoquée déjà par certains milieux officieux pendant l'été, selon laquelle celui qui est considéré à juste titre comme l'homme de confiance du président Bouteflika est bien parti pour hériter du poste ultra-sensible de ministre de la Défense. Il y a d'abord la qualité de la réunion en question. En effet, il est pour le moins significatif de déléguer un ministre de l'Intérieur à une réunion, “la première du genre” des ministres de la Défense de la Méditerranée et de surcroît consacrée à l'exploration des voies et moyens d'une coopération en matière de “défense et de sécurité”, un dossier qui implique à tout le moins une concertation de longue haleine des participants. Cela suppose, il faut bien l'admettre, que le ministre sera appelé à prendre en charge un dossier de manière continue et non pas conjoncturelle. Il est difficile d'imaginer par ailleurs qu'il s'acquitterait d'une telle mission tout en gardant sa qualité de ministre de l'Intérieur indéfiniment. Ensuite, faut-il le rappeler, à cet égard, que c'est le même Zerhouni qui avait reçu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre française de la Défense, le 16 juillet dernier à Alger, avant d'animer une conférence de presse conjointe. Jusque-là, ce genre d'activités, qui ne sont pas seulement d'ordre protocolaire, étaient réservées au chef d'état-major de l'ANP, qui assumait en fait le rôle du ministre de la Défense. Enfin, et l'argument n'est pas des moindres, on connaît la relation privilégiée et jamais mise en doute qu'entretient le chef de l'Etat avec son ministre de l'Intérieur qu'il n'a jamais désavoué y compris suite à sa gestion qualifiée de désastreuse durant les évènements de Kabylie. Basée avant tout sur une amitié éprouvée et sur une confiance sans limites entre les deux hommes, cette relation semble destiner Yazid Zerhouni à un rôle de premier plan dans la mise en œuvre du projet que l'on prête au chef de l'Etat et qui consisterait en une réorganisation des services de sécurité, voire en une refonte totale des missions et des prérogatives au sein de ces services. D'ailleurs, en 1999 déjà, la thèse d'un Zerhouni propulsé à d'importantes fonctions au sein du ministère de la Défense était avancée avec insistance. Appréciée à l'aune de sa carrière dans les services, cette thèse semble, on ne peut plus défendable, d'autant plus que la nomination d'un civil au ministère de la Défense est vivement souhaitée par les capitales occidentales, car à quelques encablures de la signature définitive de l'accord d'association avec l'UE, une telle évolution serait perçue, de l'autre côté de la Méditerranée, comme un “gage de démocratie”. K. K.