Résumé : Pour distraire sa femme et lui faire oublier son stress quotidien, Samir lui propose un voyage à l'intérieur du pays... Il savait qu'elle souffrait et il la comprenait... Cela ne fait pas longtemps, il avait surpris une conversation de voisinage où on reconnaissait que sa femme était devenue très belle, mais s'avérait stérile. Il avait voulu interrompre cette conversation importune et crier son désarroi ! Il aurait aimé pouvoir dire à ces femmes que Mordjana n'était ni fautive ni responsable dans ce qui leur arrivait... Seul Dieu connaissait le degré de sa souffrance... Elle souffrait de ce "vide" qu'elle ressentait en elle, et avait même pensé à quitter la maison pour se réfugier chez sa grand-mère. Il l'en avait, bien entendu, empêchée. Non, lui avait-il dit... Tu n'iras nulle part... Nous allons affronter cette épreuve tous les deux... Nous sommes mari et femme... Ne l'oublie surtout pas... Mordjana, nous formons une paire indistincte, qui doit se partager le meilleur et le pire dans ce monde... Mordjana avait acquiescé en silence, sans pour autant se départir de sa tristesse. Plusieurs fois dans la nuit, il l'entendait se lever pour pleurer dans l'obscurité de leur chambre. Souvent, elle s'allongeait sur le sofa et faisait semblant de dormir. Mais il savait qu'elle ne dormait pas. Lui non plus d'ailleurs... Pour lui, le jeu était double... Il souffrait pour Mordjana et pour lui. Et encore, se disait-il, pour moi, le manque d'enfant pourrait trouver sa raison dans notre instabilité psychique, mais la souffrance de Mordjana dépassait tout le reste... Pourquoi s'obstinait-elle à refuser l'adoption ? La dernière fois où ils avaient abordé ce sujet, il l'avait sentie si déprimée qu'il avait dû battre en retraite et changer de conversation... Mordjana s'exprimait d'une manière si violente qu'il avait cru qu'elle devenait hystérique. Il s'était alors levé pour la prendre dans ses bras et la bercer afin de calmer ses nerfs, avant de lui proposer d'aller dîner dehors. Elle avait accepté de mauvaise grâce, certes, mais cette sortie nocturne avait eu pour effet de la détendre. Elle avait apprécié le restaurant et les plats qu'on leur avait servis, et avait même repris certaines anecdotes liées à son travail. La route s'allongeait. Plongé dans ses souvenirs et ses préoccupations, Samir conduisait machinalement. La journée s'annonçait radieuse. Un coup d'œil au tableau de bord le renseigne sur le niveau du carburant qui commençait à baisser. Il bifurque à la première intersection pour s'arrêter devant une station-service. En attendant son tour pour remplir son réservoir, il descendit pour se dégourdir les jambes. Mordjana semblait dormir profondément. Il lui jette un coup d'œil, puis s'éloigne de quelques mètres pour humer une longue bouffée d'air dans la fraîcheur du matin. Au bout de quelques minutes, il revient vers son véhicule. C'est alors qu'il constate que sa femme n'était plus là. Il fronce les sourcils. Mordjana était-elle descendue pour un besoin urgent ? Elle lui avait semblée sereine et endormie... Où était-elle donc passée ? Il laisse au pompiste le soin de remplir son réservoir et regarde dans tous les côtés, avant de se hasarder à faire quelques pas vers ce qui lui paraissait comme un kiosque à tabacs. C'est alors qu'il la vit : agenouillée devant un enfant d'environ trois ans, elle lui parlait et lui souriait, tout en le tenant par les épaules. Samir secoue la tête : sa femme devenait folle... Son désir d'avoir un enfant la rendait si vulnérable, que parfois il imaginait les scénarios les plus fous. Il s'approche davantage du kiosque pour entendre distinctement la voix de son épouse : -Alors... Tu veux des bonbons ou du chocolat ? Les deux peut-être ? L'enfant, un peu effrayé, gardait le silence et jetait des coups d'œil anxieux. Il cherchait sûrement ses parents, se dit Samir. -Allons... Allons Mordjana, laisse cet enfant rejoindre sa famille... Ne vois-tu pas qu'il est tout tremblant de peur ? Elle lève vivement les yeux vers lui comme pour le supplier de la laisser encore savourer quelques minutes de "rêve" devant ce petit ange qui se trouvait sur leur chemin. -Voyons ma chérie... Les parents de cet enfant doivent s'inquiéter... Libère-le donc. Soudain, la voix d'une femme s'élève : -Khaled... Khaled... Où es-tu donc ? Samir se retourne pour rencontrer le regard angoissé d'une femme, qui s'affolait de ne pas retrouver son enfant près d'elle. (À suivre) Y. H.