La plainte déposée jeudi par la ministre de la Culture contre la secrétaire générale du Parti des travailleurs procède-t-elle d'une démarche et d'une conviction personnelles ou traduit-elle une réaction concertée du gouvernement ? Quoi qu'il en soit, l'action met sous pression les ministres dénoncés dans les mêmes formes. Incontestablement, en créant un tel antécédent que celui de se plaindre auprès d'un tribunal, la ministre de la Culture met sous pression, du moins dans l'embarras, ses collègues ministres accusés par Louisa Hanoune d'être au centre de conflits d'intérêts, à l'instar du ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Abdelmalek Boudiaf, ou encore celui en charge du portefeuille de l'Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb. En ce sens qu'ils se sentiraient interpellés pour prendre exemple sur Mme Labidi afin de se laver de tout soupçon. Car, ignorer les accusations publiques de Mme Hanoune pourrait être interprété comme une dérobade ou une peur d'une confrontation devant l'accusateur à la barre et, donc, d'éventuels déballages. Jointe par téléphone hier, Nadia Labidi a éludé la question de savoir si, avant de porter plainte, elle avait discuté ou non du sujet avec le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, le ministre de la Justice, Tayeb Louh, ou encore avec ses collègues ministres ciblés par la SG du PT. "C'est une position morale et de principe. Je veux que cela soit une démarche civilisée. Je fais confiance à la justice", s'est-elle contentée de dire. Jusque-là, les ministres ciblés par Louisa Hanoune se sont limités à des réactions par la voix de leurs services administratifs ou de leurs proches. Les démentis ont souvent été sommaires. Le ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf, a fait réagir les services de son ministère qui ont diffusé un communiqué rappelant les conditions d'acquisition des équipements de radiothérapie, incriminées par Mme Hanoune. Des explications qui précisent que le contrat a été signé avant qu'Abdelmalek Boudiaf ne soit nommé au ministère de la Santé. Le ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, accusé, lui aussi, d'avoir favorisé son fils et son frère pour l'obtention de terres agricoles à Khenchela, a fait réagir son frère. Ce dernier a diffusé un communiqué pour dire que c'est lui qui a décidé l'association de son neveu et que le ministre n'a rien à voir avec sa démarche. Seule Nadia Labidi a donc osé franchir le pas en introduisant une action en justice. Une action qui compromettrait son avenir politique si jamais Louisa Hanoune apportait les preuves justifiant ses déclarations qui accusent la ministre d'avoir utilisé sa position pour, notamment, favoriser sa boîte de production audiovisuelle Procom International. Mme Hanoune étant députée, il faudrait que son immunité parlementaire soit levée pour qu'elle comparaisse devant le tribunal. Une procédure compliquée qui, au bout du compte, peut rendre caduque la démarche de Nadia Labidi. Le parquet doit saisir le ministre de la Justice qui introduit la demande de levée d'immunité auprès du bureau de l'APN qui soumet la demande à la commission des affaires juridiques et qui entend le concerné avant de trancher sa décision de soumettre ou non la demande au vote. La commission dispose pour cela d'un délai de 3 mois à compter de la date de saisine. La session du printemps tirant à sa fin et la période d'intersessions étant déduite du décompte des délais de rigueur, Mme Hanoune bénéficierait ainsi d'un sursis de plusieurs mois. De même qu'il est improbable que les députés votent en faveur de cette levée d'immunité. Beaucoup n'ont pas intérêt à créer d'antécédent. À moins que Louisa Hanoune ne renonce de son propre chef à son immunité parlementaire... L.H.