Abdelaziz Belkhadem, qui présidait hier la rencontre, a menacé d'évacuer les agitateurs pour permettre aux travaux de se poursuivre. Des ministres, menés par Amar Tou, avaient hué leurs camarades à la tribune, tandis qu'un sénateur a été malmené. C'est devenu une tradition au FLN : à chaque fois que le parti organise une réunion, elle ne peut échapper aux échauffourées et à la bagarre. C'est ce qui s'est passé hier encore à l'hôtel Riad de Sidi Fredj lors d'une rencontre du comité de coordination provisoire du parti regroupant les parlementaires des deux Chambres, les élus locaux, les ministres, les membres du Comité central (CC) du VIIe congrès et des représentants de la commission nationale de préparation du VIIIe congrès bis du FLN. L'entrée des animateurs de la direction provisoire du parti (Amar Saïdani, Saïd Bouhedja, Abdelkrim Abada, Abdelaziz Belkhadem et Salah Goudjil) dans la salle des conférences a été chahutée par la rangée du fond. Ce chahut s'est fait assourdissant quand la direction du parti, communément appelée le "groupe des cinq", a pris place au bureau de l'assemblée générale. Ce chahut a par ailleurs été interrompu le temps pour l'assistance d'écouter l'hymne national. Suite à quoi, Abdelaziz Belkhadem, en sa qualité de coordinateur de la direction provisoire du FLN, annonce l'entame officielle des travaux avec la traditionnelle allocution d'ouverture. Les premiers mots à peine prononcés que Belkhadem fut interrompu par des cris stridents provenant du fond de la salle : “Abada, Saïdani et Bouhedja, en bas” ; “ils doivent descendre du bureau de l'assemblée” ; “le bureau ne doit contenir que trois éléments : Belkhadem, Dadouaâ et Goudjil”. À cet instant, l'ensemble des ministres FLN présents à la rencontre occupaient le premier rang de la salle (Djamel Ould Abbès, ministre de la Solidarité, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines, Boujemaâ Haïchour, ministre de la Communication, Sakina Messadi, ministre déléguée chargée de la Communauté nationale établie à l'étranger, El Hadi Khaldi, ministre de la Formation professionnelle, Tayeb Louh, ministre du Travail, et Mourad Redjimi, ministre de la Santé). Amar Tou, le ministre de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, se tenait, quant à lui, debout tout à fait au fond, faisant mine de se démarquer de ses confrères du gouvernement. Ignorant les cris de l'assistance, Belkhadem poursuit son allocution : “La rencontre d'aujourd'hui se veut un espace de…”, dira-t-il avant que sa voix ne soit étouffée par des clameurs de plus en plus intenses : “Abada, Saïdani et Bouhedja doivent descendre…” L'intensité du chahut a fini par faire sortir Belkhadem de sa réserve : “Si ces perturbateurs continuent à chahuter la rencontre, je serai obligé de les évacuer de la salle !” a-t-il lancé sur un ton grave. Ce qui n'a pas fait d'effet sur ce groupuscule composé d'une quinzaine d'éléments agissant à l'instigation d'Amar Tou. Les éléments du ministre de la Poste et des Technologies de l'information et la communication ont, en effet, continué à scander les mêmes slogans en haussant la voix. Ce qui a fait réagir trois ministres FLN. En effet, Abdelkader Messahel, Tayeb Louh et Rachid Haraoubia se sont levés pour se diriger au fond de la salle dans le but de demander au groupuscule rameuté par Amar Tou de “se taire” et de “laisser Belkhadem parler”. Au même moment, Madani Houd, un sénateur FLN, tout en se levant s'accroche avec deux éléments du groupuscule de Tou qui le malmènent en le tirant par la veste. Ce qui provoque une cacophonie indescriptible et une véritable confusion dans la salle archicomble de l'hôtel Riad, abritant quelque 700 participants. Mais sans plus. Habitués aux empoignades et accrochages concoctés par le même Amar Tou à chaque conclave important du parti, les participants à la rencontre d'hier se sont montrés peu concernés, voire indifférents à toute cette agitation. Cette indifférence a été également adoptée par Abdelaziz Belkhadem qui a poursuivi son discours sans coup férir. Plaçant d'entrée la tenue du congrès du FLN dans son véritable contexte, Abdelaziz Belkhadem dira : “Nous sommes obligés d'être derrière le président de la République pour mettre en œuvre son projet de réconciliation nationale. Il ne faut pas oublier, dit-il, que le FLN a été le premier parti à appeler à la réconciliation nationale quand cette même réconciliation était assimilée au kofr.” Précisant que “le FLN est le parti de la majorité dans les Assemblées locales élues et à l'APN”, il indiquera que “c'est pour cela qu'il nous revient à nous en tant que parti de mettre en application le programme du Président qui a annoncé d'importants chantiers pour le pays”. Rappelant que “le président de la République a annoncé son intention de consulter le peuple dans le cadre d'un référendum autour de l'amnistie générale”, l'intervenant insistera sur l'impératif de tenir et de réussir le congrès pour “réaliser la réconciliation nationale”. “Il faut, dit-il à ce sujet, mobiliser des faiseurs d'opinions qui puissent répandre dans la société l'idée de réconciliation nationale.” Et de faire observer qu'”il n'y a pas plus faiseur d'opinions que le FLN”. Aussi annoncera-t-il à l'assistance que “le programme du FLN, qui sortira du VIIIe congrès, sera un appui au programme du Président et à sa réconciliation nationale”. Mettant constamment en relation la tenue du congrès du FLN avec le projet de réconciliation de Bouteflika, l'orateur dira : “Nous voulons que notre congrès se tienne avant que le président de la République n'appelle à un référendum sur la réconciliation nationale.” Evoquant l'unification des rangs du FLN, Belkhadem soulignera que, “aujourd'hui, il y a eu une véritable réconciliation dans les rangs du parti avec toutes ses tendances, ses composantes et ses différences”. Et d'ajouter : “C'est pour cela que nous pouvons vous annoncer que la date du congrès du FLN est fixée pour la fin de janvier prochain.” Belkhadem a eu à apporter également des clarifications sur de nombreuses questions demeurant en suspens lors d'un point de presse animé à l'issue des travaux de la rencontre. À commencer par sa réaction suite à l'attitude de Amar Tou ainsi que celle de certains ministres chahutant traditionnellement les rencontres du parti. Accompagné de Abdelkrim Abada à sa gauche et de Amar Saïdani à sa droite, Belkhadem dira de Amar Tou qu'il “exprime une position individuelle”. “Pour nous, dira-t-il, chacun est libre d'avoir son opinion propre et nous l'acceptons”. Il expliquera toutefois l'impératif de faire “la différence entre un avis personnel et individuel et des positions qui expriment l'opinion de la majorité”. Faisant allusion à Amar Tou à ce sujet, Belkhadem se voulant précis dira : “Vous avez vu aujourd'hui la position de la majorité, et il faut respecter la position de la majorité !” S'expliquant sur les critères exigés des militants pour prétendre prendre part au congrès, Abdelaziz Belkhadem s'est montré intraitable à ce sujet : “Nous appliquerons à la lettre les statuts du parti, à savoir qu'il faut un minimum de cinq ans pour participer au congrès en tant que délégué et qu'il faudra un minimum de sept ans pour figurer dans le prochain comité central du parti.” Et de marteler que “celui qui ne remplit pas ces conditions ne participera pas au congrès”. Belkhadem annoncera, par ailleurs, le début de l'élection des congressistes pour la semaine prochaine. N. M.