Les sinistrés, installés dans des camps de toile au lendemain des violentes intempéries survenues à Timimoun en avril, ont été relogés, samedi dernier, provisoirement dans des F1 de l'Opgi. Des pluies torrentielles se sont abattues, à la mi-décembre, sur Timimoun. Pendant toute la journée et toute la nuit, le ciel a déversé à volonté ses eaux sur l'oasis rouge, lovée au creux des majestueuses dunes du Gourara. La population locale a vécu, durant ces vingt-quatre heures, ses pires angoisses quant à un remake des violentes inondations d'avril dernier. Le douloureux souvenir des eaux en furie, qui ont failli emporter la ville tout entière, est encore vivace dans les esprits. Il y a huit mois, la clémence divine a assurément épargné à des milliers de familles de vivre un drame. Dans le chef-lieu de daïra de Timimoun, seul le vieux ksar Menjour, situé en contrebas des nouveaux quartiers à l'orée de la palmeraie, n'a pas résisté à la colère de la nature. Pourtant, il a été récemment restauré par les autorités de la wilaya sur les fonds de l'Unesco. Talah, Massine et d'autres ksours, épars dans le désert, ont également souffert du déchaînement des pluies. “Nous n'avions jamais, de mémoire de Timimounais, vécu une catastrophe similaire”, atteste un notable de la région. Mille constructions en toub (argile rouge) ont été complètement détruites. Cinq cents autres ont subi d'importants dommages. “Nous exigeons désormais de la population de ne plus utiliser les briques en toub dans la construction. Nous conseillons l'usage de parpaings, qui convient bien à une région aussi chaude que Timimoun”, indique un membre de l'exécutif local. Pourtant, les autochtones ne prennent pas vraiment en considération les recommandations des autorités locales. “Tant qu'on ne nous donne pas les moyens financiers, nous continuerons à construire avec les matériaux locaux”, rétorque un habitant de Talah, ksar semi-enclavé dépendant administrativement de la commune de Timimoun. Des promesses et un dilemme Les sinistrés, dont les habitations ont été classées à la “catégorie A”, par la commission des experts du contrôle technique de construction (CTC), devaient bénéficier d'une aide de l'Etat allant de 50 000 à 200 000 DA. Des sommes modiques destinées à prendre en charge les frais des travaux effectués sur les habitations partiellement détruites par les intempéries. L'argent ne leur sera, néanmoins, versé, qu'une fois l'opération de rénovation achevée. Cette condition, qui devait dans l'absolu parer le détournement de l'aide financière à des fins autres que celles auxquelles elle est allouée, s'est avérée finalement difficile à satisfaire en raison de la pauvreté endémique des familles touchées par la catastrophe. À Talah, un couple d'octogénaires dort pratiquement à la belle étoile depuis que les pluies ont emporté une partie du toit de l'unique pièce de leur très modeste maison, construite à la mode des anciens. Il n'a pas la force de faire les travaux en fonction de la disponibilité des ressources financières et au gré du temps libre, comme le font les autres familles. Il n'a pas les moyens, non plus, d'engager une main-d'œuvre pour les besoins des réparations à entreprendre dans leur logement. La situation se présente alors dans une forme assez alambiquée : aucun dinar n'est donné par les autorités aux sinistrés tant que les travaux ne sont pas effectués. Aucune réparation n'est possible sans argent. “L'Etat aurait dû nous fournir l'aide financière et venir après contrôler les résultats de la rénovation. C'est plus logique”, vocifère un trentenaire, transportant du sable à dos de mulet. Un programme d'urgence de cinq cents logements, destinés aux sinistrés ayant complètement perdu leurs habitations, est en voie de réalisation. Deux cent cinquante unités (un séjour et une chambre entourant une minuscule courette) sont implantées sur le terrain d'extension du chef-lieu de la commune de Timimoun. Cent quarante-six autres logements sont en construction à Massine (à environ trois kilomètres de la commune). Le reste est prévu dans une localité plus lointaine. Vingt entreprises locales de construction participent à la concrétisation de ce programme, entièrement financé sur le budget de l'Etat. Le coût de revient d'un logement est d'environ 800 000 DA, selon un entrepreneur rencontré sur un des chantiers. “C'est la première fois, depuis quarante ans, que la commune de Timimoun bénéficie d'un projet de logements aussi important. Nous avons donné le marché à plusieurs entreprises afin de respecter les délais de réalisation”, soutient un membre de l'APC de Timimoun. Le challenge est de reloger rapidement des dizaines de familles, retrouvées sans abri après les inondations. Des quatre camps de toile, installés dans la hâte au lendemain de la catastrophe, un seul, regroupant environ quarante familles, subsistait encore à la fin de la semaine dernière. La majorité des sinistrés a trouvé refuge chez des proches, le temps que les nouvelles habitations soient livrées. “Nous distribuerons au fur et à mesure les logements terminés. Nous avons attribué les numéros par tirage au sort, afin d'éviter la contestation”, révèle un membre de l'exécutif communal. En attendant des jours meilleurs À notre arrivée au camp des sinistrés, le 17 décembre de l'année en cours, des femmes papotaient, d'autres filaient la laine devant l'entrée des tentes. Elles semblaient, de prime abord, se résigner à attendre, dans des conditions précaires, des jours meilleurs, c'est-à-dire une vie sous un toit relativement décent. “Quand on nous dira que nos logements sont prêts, nous nous en irons”, nous ont-elles déclaré. Elles se sont plaintes, néanmoins, du froid glacial, notamment durant la nuit, et des pluies contre lesquels les tentes ne protègent pas du tout. Des maladies aussi. Des permanenciers de la Protection civile assurent la couverture sanitaire pendant les jours ouvrables de la semaine. Mais la prise en charge reste insuffisante face à la multiplication des infections dues au froid, au manque d'hygiène et à la promiscuité. Enfin des F1 Le camp est levé, comme par enchantement, au lendemain de notre visite. Le ministre de l'Intérieur, Yazid Nourredine Zerhouni, et celui de l'Habitat, Mohamed Nadir Hamimid, en visite inopinée à Timimoun le jeudi 9 décembre, ont exigé du wali d'Adrar de ne laisser aucune famille passer l'hiver sous la tente. Ce dernier a instruit, à son tour, dix jours plus tard, le maire de Timimoun d'attribuer aux sinistrés des logements vacants de l'Office de promotion et de gestion immobilière (Opgi). Une aubaine pour les sans-abri ? Peut-être pas tout à fait. Les nouvelles habitations, des F1, ne sont pas équipées en commodités de première nécessité : l'eau courante et l'électricité. Les emplacements des fenêtres sont obstrués par des morceaux de carton. Les portes d'entrée ne se ferment pas vraiment sur les intrus. Elles préservent néanmoins l'intimité de gens qui n'en avaient plus depuis près d'une année. C'est certainement l'essentiel dans l'espoir de lendemains plus doux. S. H.