L'avocat de Moumen Khelifa a lancé une véritable bombe, hier, lors de sa plaidoirie. Me Medjhouda a annoncé son intention de porter plainte au parquet de la cour de Blida contre le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, le vice-gouverneur, Mohamed Touati, le liquidateur, Moncef Badsi, l'administrateur provisoire de Khalifa Bank, Mohamed Djellab, et l'inspecteur général de la Banque centrale, Mohamed Khamoudj pour faits relevant du crime. Ces faits se scindent en deux parties : le gouverneur et le vice-gouverneur, ainsi que l'inspecteur général de la Banque d'Algérie sont accusés par la défense de Khelifa de faux témoignage. Le faux témoignage est passible, selon l'article 232 du code pénal, jusqu'à dix ans de prison. Me Medjhouda rappelle que le gouverneur de la Banque d'Algérie a, lors de son audition durant le procès en cours, déclaré que la décision du gel du commerce extérieur de la Banque Khalifa a été prise par le directeur des changes alors que lors du procès de 2007, Laksaci a soutenu que c'est lui qui a signé cette décision de gel. En deuxième lieu, Me Medjhouda reproche au gouverneur, au vice-gouverneur ainsi qu'à l'inspecteur général de la Banque d'Algérie d'avoir soutenu devant le tribunal criminel que les dépôts des entreprises publiques n'étaient pas déclarés dans les rapports mensuels de la R10, accusant la Banque Khalifa de vouloir les dissimuler dans le tableau des placements des entreprises privées. "C'est archifaux parce que toutes les transactions avec les entreprises publiques se font avec des chèques déposés à la Banque d'Algérie qui ne peut pas ignorer que ces chèques émanent d'entreprises publiques." La défense de Khelifa motive aussi la plainte contre l'administrateur provisoire de Khalifa Bank, Mohamed Djellab, et le liquidateur, Moncef Badsi, par l'absence des commissaires aux comptes qui auraient dû les accompagner dans leur mission et certifier les comptes et bilans. La gendarmerie a enquêté sur Badsi et Djellab Sur la base d'un rapport de la gendarmerie transmis au tribunal de Chéraga, Medjhouda Merouane cite un autre élément à charge contre Mohamed Djellab qui a tenté de transférer 800 000 dollars du compte de Khalifa Bank vers l'entreprise Diprochim. Mais au final, la Banque d'Algérie a refusé cette opération et rendu la somme à Khalifa Bank. Revenant au liquidateur, Moncef Badsi, Me Medjhouda rappelle qu'il n'a pas tenu l'assemblée générale des actionnaires de Khalifa Bank conformément à la loi 815 du code du commerce. Une violation de procédure passible de deux à six mois de prison. Les actionnaires de Khalifa Bank n'ont été convoqués à une assemblée générale qu'en date du 20 mai dernier, alors que l'actuel procès avait déjà démarré. Dans sa plainte, l'avocat de Moumen Khelifa demande au procureur de poursuivre le liquidateur pour abus de confiance à cause des carences constatées dans la récupération des biens du groupe et le recouvrement des créances. Il relève que le liquidateur a dépensé 300 000 euros, frais de ses investigations en France et en Grande-Bretagne afin de prouver l'inculpation de blanchiment d'argent en vain, puisque les tribunaux européens ont refusé sa constitution comme partie civile. Il ajoute que le liquidateur a procédé à la récupération de 15 millions de dollars pour la vente de deux avions de Khalifa Airways à Air Algérie. Mais, il n'y a eu aucun traitement de l'avance sur la commande des 6 ATR, bien que Air Algérie ait profité d'un discount sur les contrats de leur acquisition de près de 39 millions de dinars. Badsi accusé de négligence dans le recouvrement des créances de Khalifa Bank Concernant les trois stations de dessalement, Me Medjhouda soutient qu'elles ont fait l'objet de trois visites d'inspection en Grèce et en Roumanie de la part de l'équipe de la liquidation, sans aboutir à la récupération des 26 millions de dollars, considérés comme créances de Khalifa Bank. "C'est une grave négligence dans le recouvrement des créances par le liquidateur qui est aussi responsable du vol de matériel informatique disposé dans un hangar d'une valeur de 8 millions de dinars." Me Medjhouda pense que la banque Khalifa est passée par plusieurs phases. Celle du complot illustré par le gel du commerce extérieur de la banque Khalifa, l'étape de l'alliance coïncidant avec la désignation de l'administrateur provisoire le jour de la visite du président français Chirac en Algérie, celle de la trahison consistant en les actes reprochés au liquidateur et l'administrateur dans le recouvrement des biens cités plus haut et la phase des poursuites judiciaires. Me Merouane Medjhouda considère que tous ces faits, objets de sa plainte, au parquet, ne peuvent faire l'objet d'une prescription parce que l'affaire est encore en cours.
Me Medjhouda énumère les failles de l'instruction Evoquant l'accusation de falsification des onze écritures entre sièges, l'avocat fait remarquer que les écritures bancaires de la caisse principale portent le nombre 1 000 pour la monnaie nationale et 1010 pour la monnaie en devise. Or les écritures suspectes censées couvrir un trou de 3,2 milliards de dinars sont numérotées 1007. "Ce sont des écritures made in Akli Youcef, directeur de la caisse principale, qui a imputé les sorties d'argent à son profit, à Moumen Khelifa. Si réellement Moumen Khelifa a pris de l'argent de la caisse principale, il n'aurait pas laissé après son départ 400 milliards de centimes dans cette même caisse comme l'atteste l'administrateur provisoire." Il s'interroge : "Pourquoi les 19 autres employés de la caisse principale n'ont pas été auditionnés par la justice pour confronter Akli Youcef ? C'est l'une des failles de cette instruction." Me Medjhouda renchérit : "La tentative de falsification des 11 écritures bancaires a eu lieu, après le départ de Khelifa. Ce qui prouve que Akli Youcef était l'ordonnateur". Sur les documents d'hypothèque de biens, l'avocat estime que "nul ne connaît la provenance de ces documents. Ils sont de source inconnue. On sait seulement que le juge a ordonné une commission rogatoire à la gendarmerie pour écouter des gens. Les neuf employés du notaire Rahal n'ont pas été auditionnés dans ce cadre, ni Nawel Ledjlat responsable à la BDL de Staouéli. Ce qui aurait apporté la preuve impartiale. Au lieu de cela, le juge d'instruction a mis le tribunal dans une situation embarrassante. Dès le premier instant de l'ouverture du dossier Khalifa, il n'y a eu aucune volonté d'apporter des preuves, mais seulement un souci d'ajouter des chefs d'inculpation. Ce qui est contraire aux règles de l'équité et d'une instruction à charge et à décharge." Khelifa ne peut pas être jugé pour la villa de Cannes grâce au ministre des Finances Pour ce qui est de la villa de Cannes, il souligne que le ministre des Finances n'a pas porté plainte pour infraction aux règles de change supposée relevée par les inspecteurs de la Banque d'Algérie et, de ce fait, on ne peut pas juger Khelifa Moumen sur ce dossier, dans le cadre du procès de Khalifa Bank. Il préconise au juge le même traitement pour les stations de dessalement, objet d'une plainte indépendante. Abordant le chef d'inculpation retenu contre son mandant, qui est association de malfaiteurs, il rappelle que la banque a été créée en 1998 et certains cadres associés à cette accusation ont été recrutés les années suivantes. Ce qui rend caducs les arguments de la chambre d'accusation. Pour ce qui est du reproche de la création de la banque avant la libération du 1/5 du capital, il indique qu'à cette époque, c'était Kaci Ali le gestionnaire. "L'instruction a voulu faire porter ce fardeau à Moumen Khelifa pour retenir un maximum de charges contre lui." Me Medjhouda démonte également l'inculpation de vol, indiquant que les déposants n'ont pas été forcés à faire des placements chez Khalifa Bank. "La non-utilisation de la force rend nulle l'accusation de vol." L'avocat soutient que Khalifa Bank, contrairement à ce qui a été avancé, ne travaillait pas à perte. Sinon le fisc ne lui aurait pas réclamé 300 milliards de dinars. S'agissant de l'inculpation de pots-de-vin, il affirme qu'il n'existe dans le dossier aucune preuve attestant de l'implication de Khelifa dans distribution des cartes de thalassothérapie, de voyage et le don de voitures. "C'était la politique du groupe et c'est Kechad qui s'est occupé de cette tâche et pourtant il y a abandon de poursuites contre lui concernant les pots-de-vin." Quant à l'argument de faillite frauduleuse, la défense réplique que la situation de cessation de paiement a été déclarée le 23 avril 2003, à la suite du retrait d'agrément à la banque. Khelifa Moumen avait déjà quitté le pays en février de la même année. Me Medjhouda conclut : "On a appliqué à Khelifa des lois légiférées après les faits comme l'inculpation de blanchiment d'argent et la poursuite des personnes morales intervenues qu'en 2004." Il demande au magistrat et membres du jury de résister aux insinuations et hypothèses du parquet et délibérer en leur âme et conscience. Documents d'hypothèque : le premier acte d'une immense machination L'avocat Lezzar a parlé des failles de l'instruction, de défection de certains témoins, de larmes, de drames familiaux et une tragédie qui pouvait être évitée. Lezzar a sollicité une inégalité compensatrice pour rattraper les incohérences et les erreurs de l'instruction. "Il a été dit que le crédit accordé par la BDL de Staouéli à la société de médicament Pharma en contrepartie de l'hypothèque de biens, a été détourné pour constituer le capital de la banque. Qu'est-ce qui empêchait Khelifa de demander un crédit directement pour sa banque ?" Il a présenté un tableau comparatif. L'acte de bien est constitué de trois étages, alors que dans l'acte de l'hypothèque, il est mentionné qu'il comprend deux étages. L'acte d'hypothèque parle de cours qui n'existe pas réellement. "Et la cerise sur le gâteau, une superficie double dans l'acte d'hypothèque en plus du fait que la société bénéficiaire de cette hypothèque n'a pas été identifiée. Cela prouve que ce crédit a été accordé à une entreprise fictive et non à la société Pharma de Moumen Khelifa. Le bureau du notaire de Khalifa Bank a fait l'objet de perquisitions, sans trouver trace de cet acte d'hypothèque. Il n'y a pas non plus de trace de ce dossier à la BDL de Staouéli. Donc pour nous ce document est le premier acte d'une immense machination qui a enflé au fur à mesure." Il ajoute : "Même Guelimi n'a pas parlé d'hypothèque de biens mais d'un nantissement de matériel. La BDL de Staouéli n'a jamais accordé de crédit à la société Pharma contre hypothèque. Mais il y a eu simplement dépôt de bancs de caisse." Guelimi était chef de cabinet de Khalifa Bank. Pour ce qui est de la libération du capital de la banque, l'avocat rappelle tout simplement que le liquidateur Badsi a déclaré qu'il n'y avait aucun problème sur ce chapitre de l'affaire, qui n'a pas été non plus évoqué dans le rapport des inspecteurs de la Banque d'Algérie. Il a été reproché également à Khelifa le changement dans les statuts de la Banque, sans accord préalable de la Banque d'Algérie. Lezzar ouvre une parenthèse en soutenant que le Conseil d'Etat a tranché en faveur de l'Union Bank supposée coupable de ce même fait. "Le Conseil d'Etat a considéré que le changement opéré sur la liste des actionnaires ne nécessite pas une autorisation préalable. C'est une mauvaise interprétation de la loi de la part de la Banque d'Algérie." Il fait remarquer que durant une même période, toutes les banques algériennes ont été liquidées, sans toucher aux banques étrangères. Selon lui, de l'aveu même du vice-gouverneur de la Banque d'Algérie, la décision de liquider Khalifa Bank a coïncidé avec l'annonce de Moumen Khelifa d'acheter une banque en Allemagne. "On en déduit que c'est une liquidation disciplinaire et non une faillite de la banque", pense Me Lezzar. La commission bancaire a mis en avant le dépassement du ratio de solvabilité et a imputé la cause au financement apporté par Khalifa Bank à ses filiales. "Ce sont des prises de participation et non des crédits comme l'affirment les membres de la commission bancaire pour gonfler cette affaire", corrige Lezzar. Il déclare que Khelifa Moumen n'a jamais demandé une recapitalisation de sa banque par le truchement d'une solidarité de place ou par le biais d'un financement émanant du Trésor public. "Il voulait recapitaliser Khalifa Bank par la vente des avions de Khalifa Airways." La suite de la plaidoirie de Me Lezzar est prévue pour ce matin, suivie de celle de l'avocat du notaire Omar Rahal. N. H.