En Algérie, la contrefaçon a atteint le marché de première monte, jusque-là épargné. Elle frappe une entreprise leader dans le domaine du montage de matériels de gerbage et de manutention. L'entreprise publique German, constructeur algérien de chariots élévateurs, située dans la zone industrielle d'Aïn Smara de Constantine, a acheté des pompes contrefaites de marque Eaton/Vickers auprès de la société d'import de matériels de travaux publics Dy Spare Parts, a-t-on appris de sources judiciaires. Soixante pompes qui ont servi au montage d'engins dont une bonne partie serait écoulée sur le marché. Une instruction est ouverte suite à une plainte déposée il y a maintenant vingt jours, au tribunal d'El-Khroub, à Constantine, par le représentant d'Eaton/Vickers en Algérie, la société Jet Service qui a l'exclusivité de commercialisation de ces pompes. Le marché conclu par German avec Dy Spare Parts remonte à l'année 2014. Un marché d'une valeur approximative d'environ six millions de dinars, le prix hors taxes d'une pompe Vickers d'origine étant de 90 000 DA. Le pot aux roses a été découvert après que German eut saisi Jet Service, représentant exclusif d'Eaton/Vickers en Algérie et son partenaire qui lui fournissait les pompes en question depuis des années, afin de remplacer des pompes défectueuses. Dans le courrier adressé en mai 2014 à Jet Service, le directeur des réalisations à German a fait référence au rapport de "montage de pompes et de distributeurs" établi par le service de contrôle de l'entreprise, lequel rapport souligne la défectuosité de deux pompes de marque Vickers et le blocage du piston de levage d'un distributeur de marque Eaton. Et de l'inviter à les remplacer : "Nous comptons sur votre habituelle collaboration pour le remplacement des produits." La réponse du fournisseur a été sans équivoque : "Le numéro de série imprimé sur les pompes est erroné." Il a ajouté qu'il confirmait la tromperie dont a été victime German à l'issue du déplacement effectué dans les ateliers de cette dernière, soulignant que son partenaire Eaton/Vickers en Europe qui a été destinataire des photos prises dans l'atelier a confirmé, à son tour, la contrefaçon par mail. Quant au distributeur, Jet Service a attesté qu'il était d'origine Eaton livré par ses soins mais, a estimé que "le blocage du piston est dû à des débris transmis par la pompe détériorée". En novembre 2014, Jet Service, qui vient de déposer une plainte contre le fournisseur des pompes (Dy Spare Parts, ndlr) pour contrefaçon, a alors fait un PV de constat par le biais d'un huissier de justice, précisant l'identité de ce fournisseur et la quantité des pompes livrées à German. Jointe par téléphone, l'avocat de Jet Service, Me Hanifa Brahimi, s'est interrogée sur l'origine de ces pompes : "Puisqu'il s'agit de produits d'origine allemande, comment Dy Spare Parts a-t-il fait pour se procurer le certificat de conformité que seul le fabricant Eaton/Vickers est habilité à délivrer ?". "En tout cas, l'instruction va déterminer si ces pompes ont été contrefaites ici en Algérie ou bien importées et le cas échéant, par quel port elles auraient été introduites sur le territoire national", a-t-elle déclaré. Nous avons contacté la direction générale de German pour en savoir plus sur les conditions d'acquisition de ces pompes contrefaites, mais son P-DG n'a pas donné suite à nos sollicitations. Nous n'avons pas pu entrer en contact avec la société Dy Spare Parts. German (Matériels de gerbage et de manutention), faut-il le rappeler, est une entreprise publique implantée à Constantine qui emploie 750 personnes et dispose d'une unité de production de transpalettes située à Aïn Oussera, dans la wilaya de Djelfa (Sover). Elle a réalisé une forte croissance durant la dernière décennie avec un chiffre d'affaires multiplié presque par cinq entre 2009 et 2014, passant de 625 millions à près de 3 milliards de dinars. Parmi ses clients, on trouve de grandes entreprises publiques comme Naftal, Air Algérie, la SNTF, Enafor, la SNVI, l'ENMTP, l'Entreprise portuaire de Béjaïa (EPB), l'Algérienne des textiles (Texalg) pour ne citer que celles-là. L. H.
