L'affaire des moines de Tibhirine, assassinés en 1996, est, de nouveau, relancée en France, avec la publication des éléments de l'enquête menée en 2014 par le juge Marc Trévidic, dont le mandat a pris fin en ce début de juillet. Selon les analyses effectuées sur les prélèvements effectués en Algérie, il apparaît que les moines auraient été décapités bien après leur mort et que les têtes auraient été enterrées avec les corps, dans un premier temps, avant d'y être extraites. C'est assez suffisant pour relancer les partisans du "qui tue qui ?", notamment l'avocat Baudouin et le lobby politico-médiatique qui a de tout temps avancé la thèse selon laquelle les moines seraient morts suite à une bavure de l'Armée algérienne et que leur décapitation ne serait qu'une façon, pour les services de renseignements algériens, de camoufler cette bavure. Les experts français se sont rendus en octobre dernier à Tibhirine pour exhumer les têtes des moines. Les experts français ont donc travaillé à partir de leurs constatations sur place, ce qui les oblige à rester prudents. "Seul l'examen des lésions osseuses au microscope permettrait" d'aller plus loin, notent-ils dans leur expertise. Selon leurs conclusions, "l'hypothèse d'un décès entre le 25 et le 27 avril 1996", soit près d'un mois avant la revendication du GIA, qui évoquait une exécution le 21 mai, "apparaît vraisemblable". Une décapitation après la mort pourrait accréditer la thèse d'une manipulation pour dissimuler les causes réelles du décès et faire croire à l'implication des islamistes. Or, l'hypothèse d'une manipulation des services militaires algériens pour discréditer le GIA ou se débarrasser des moines est une piste d'enquête peu réaliste. La thèse d'une bavure de l'Armée algérienne est fragilisée par l'absence d'impacts de balles sur les têtes. Cette thèse repose, en effet, sur un témoignage indirect selon lequel les hélicoptères de l'armée auraient tiré sur le bivouac où auraient été détenus les moines. Pour l'avocat Baudouin, face à ces "zones d'ombre", il faut que la France exerce davantage de pression sur l'Algérie pour travailler sur les prélèvements qui sont restés en Algérie. "Pour arriver à des certitudes, on a vraiment besoin des prélèvements qui ont été laissés à Alger", a aussi insisté le juge Marc Trevidic, qui a pris la parole pour évoquer les avancées de l'enquête. À ses yeux, "les experts ont pu faire des conclusions, je dirais à 80%, sur les causes de la mort et la date de la mort". Une enquête à sens unique, avec un a priori bien établi, alors qu'on n'évoque pas du tout les éventuelles "bavures" de la guerre menées autour du sort des moines entre la DST et la DGSE, pendant que l'ambassadeur de France, à Alger, négociait, dans sa résidence, avec l'émissaire du GIA. A. B.