Il est à présent établi que la crise financière et monétaire est, et sera sur toute cette période quinquennale, beaucoup plus grave et plus urgente à régler pour les finances publiques que pour la balance des paiements. L'équation la plus urgente et la plus grave à résoudre est donc l'équation budgétaire. J'ai expliqué pourquoi dans mes chroniques précédentes. Peut-être faut-il le rappeler ? L'assèchement du Fonds de régulation des recettes (FRR), déjà engagé, sera achevé dans deux ans et la dette publique interne, dû essentiellement aux déficits budgétaires non résorbés par le FRR atteindra alors au moins 50% du PIB. À l'inverse, l'horizon temporel de disponibilités des réserves de changes, qui permettront d'absorber les pressions sur notre balance des paiements, est plus long. Ceci étant, j'aime bien rappeler cette phrase de l'économiste américain d'origine canadienne John Kenneth Galbraith qui fut notamment conseiller du Président John Kennedy. Il nous explique, à juste titre, que "la politique n'est pas l'art du possible ; elle se réduit à choisir entre ce qui est désastreux et ce qui est désagréable". Dans le cas de notre politique budgétaire ce qui serait désastreux c'est de ne rien faire et de reproduire les exercices précédents ; ce qui serait désagréable à court terme mais efficace à moyen terme c'est d'engager résolument la réforme des politiques budgétaire et fiscale, notamment en matière de subventions et autres transferts sociaux. Commençons d'abord par spécifier la nature du problème budgétaire que nous vivons. A fin avril 2015, le site électronique de la Direction générale des prévisions et des politiques du pinistère des Finances, nous apprend que les recettes budgétaires (1 743,109 milliards DA) n'ont couvert seulement qu'un peu plus de deux tiers (69,4%) des dépenses budgétaires (2 515, 322 milliards DA) représentant un déficit global du Trésor de 770,440 milliards DA. Une telle évolution négative aura tendance à s'aggraver car la perspective de redressement significatif des cours pétroliers semble s'éloigner. Par ailleurs, le bilan du FRR, affiché par les mêmes sources sur la base de "données provisoires", donne, au 7 avril 2015, un solde positif de 4 408,465 milliards DA. Ce qui est intéressant à noter dans l'analyse de ce bilan du FRR c'est que le total provisoire des prélèvements pour 2014, afin de financer le déficit du Trésor, a été de 2965, 672 milliards DA. Sachant que le FRR sera faiblement alimenté pour 2015 du fait de la forte chute du prix du baril de pétrole ayant comme autre effet un déficit budgétaire affiché de 3954 milliards pour cette année (21% du PIB), notre assertion d'un épuisement du FRR en deux ans est malheureusement validée. Quelle sera alors la nature de la solution que mettront en œuvre les pouvoirs publics à ce problème budgétaire que nous venons de spécifier ? Les marges devenant de plus en plus étroites, les discours produits à ce jour consistant à dire qu'il est urgent d'attendre ne sont plus tenables et nous venons de le démontrer plus haut. À titre d'illustration, ces postures de statu quo ont déjà produit des effets négatifs. Ainsi pour les quatre premiers mois 2015, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 4%, alors que les dépenses d'équipement, qui tirent la croissance, ont diminué de 17%. À l'inverse, le signal envoyé par les pouvoirs publics de fixer les seuils de consommation de carburants éligibles aux subventions publiques, est positif et met fin à un tabou qui a trop duré. Mais ce premier ajustement est insuffisant pour rééquilibrer des comptes publics dont la loi des finances 2015 aggravait la situation dès sa promulgation. D'où l'enjeu particulier du contenu et des orientations que prendra, dans ces conditions, la loi des finances complémentaire (LFC 2015) annoncée. Jusqu'où et dans quel sens ira-t-elle ? Le montant des subventions et autres transferts sociaux est estimé à 30% du PIB. C'est beaucoup et c'est assurément dans la rationalisation de ces dépenses qu'il va falloir chercher les pistes d'une réforme budgétaire et fiscale inévitable de toute manière. On sait déjà que l'architecture actuelle du budget en expansion, sauf à recourir à l'endettement, ne sera plus finançable à moyen terme. C'est les trois volets essentiels de ces dépenses que sont les produits alimentaires (25% en valeur), la santé, l'éducation et les transports (29% en valeur) et l'appui au logement, prêts bonifiés et autres subventions( 51% en valeur) qu'il va falloir rationaliser d'une manière ou d'une autre. Quant à la rationalisation de la consommation énergétique dont les subventions ne sont bizarrement pas budgétées, le dossier est déjà ouvert selon le Gouvernement. En conclusion, et pour ne pas passer pour un pessimiste invétéré, je citerai de nouveau John Kenneth Galbraith. Il disait que "le test suprême d'un ensemble d'idées économiques, ce sont les clartés qu'il projette sur ce qui fait l'inquiétude d'une époque". Alors si vous n'êtes pas inquiets de la situation économique et financière du pays, moi je le suis. M. M.