La Turquie s'est enfin décidée à agir à ses frontières méridionales avec l'Irak et la Syrie, mais pas contre les terroristes de Daech, lesquels constituent l'argument pour s'attaquer aux rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord de l'Irak. Depuis vendredi, Ankara est en guerre contre Daech, mais surtout contre les Kurdes, plus précisément le Parti des travailleurs kurdes (PKK), dont les positions dans le nord de l'Irak ont fait l'objet hier de frappes aériennes et terrestres turques. "Nous avons donné des instructions pour une troisième série de frappes en Syrie et en Irak. Des opérations aériennes et terrestres sont actuellement en cours", a annoncé le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, lors d'une conférence de presse. L'occasion a été mise à profit pour rendre publique l'arrestation de 590 personnes liées à Daech et au PKK, qui présentent, selon lui, "un danger potentiel". Les prévenus ont été interpellés par la police dans une série d'opérations menées dans tout le pays depuis vendredi. Cette réaction brutale de la Turquie intervient suite à l'attentat suicide attribué à Daech, et qui a fait 32 morts et une centaine de blessés lundi dans la ville de Suruç, à la frontière de la Syrie. Les chasseurs-bombardiers F16 ont également bombardé dans la nuit de vendredi à hier des bases arrière du PKK dans les monts Kandil, au nord de l'Irak. D'après l'agence de presse gouvernementale Anatolie, 20 avions ont été engagés dans ces raids menés depuis la base de Diyarbakir. L'artillerie a également ouvert le feu sur plusieurs objectifs de Daech et du PKK dans le cadre de cette opération, selon les autorités turques. Ceci étant, les rebelles du PKK ont multiplié depuis lundi les attaques contre les forces de sécurité turques, en riposte à l'attaque de Suruç qui a visé des jeunes militants proches de la cause kurde. Pour justifier cette réaction, le Premier ministre turc a indiqué que la Turquie avait été le théâtre de 121 attaques armées et de 281 "actes terroristes", dont 15 enlèvements, depuis les élections législatives du 7 juin. Les analystes estiment que ces raids aériens marquent un tournant dans la politique d'Ankara vis-à-vis de la Syrie, alors qu'elle a, longtemps, été accusée par ses alliés de fermer les yeux, voire même de soutenir les organisations radicales en guerre contre le régime de Damas. Ils redoutent également que cette offensive contre les rebelles kurdes fasse voler en éclat le fragile processus de paix engagé à l'automne 2012 avec le PKK pour tenter de mettre un terme à une rébellion qui a fait quelque 40 000 morts depuis 1984 sur le sol turc. Il n'a pas fallu longtemps pour que la branche armée du PKK réagisse dans un communiqué, publié sur son site internet, pour annoncer que ces bombardements signifiaient "la fin du cessez-le-feu" entre les rebelles et les forces de sécurité turques qui tenait tant bien que mal depuis 2013. M. T.