Résumé : Ilhem apprend à Samir qu'elle était enceinte de trois mois. Elle portait son enfant. Le jeune homme n'en revenait pas. L'émotion lui cloua le bec. Il se sentait heureux et insatisfait en même temps. Cet enfant allait venir au monde dans quelques mois. Il sera bientôt père. S'en réjouissait-il ? Il sursaute : -Tu veux dire que je serai père ? -Oui... Enfin, je l'espère... Tu ne sembles pas tellement emballé par cette heureuse nouvelle. -J'ai toujours rêvé d'avoir un enfant... Aujourd'hui, je devrais me sentir heureux d'apprendre que je serai bientôt père... Seulement, je ne ressens aucune joie, ni aucune tristesse non plus... On dirait qu'on vient de m'annoncer que le facteur est passé et qu'il m'a laissé du courrier dans la boîte aux lettres. Elle se lève, le visage inondé de larmes : -Du courrier dans la boîte aux lettres ? Ton enfant est un courrier, et mon ventre une boîte aux lettres... Merci pour ta sollicitude Samir... Il se rendit compte de sa bévue et se radoucit : -Désolé Ilhem... Je suis un peu dépassé ces derniers temps... D'abord il y avait Mordjana et son histoire d'adoption, et puis voilà que tu m'annonces la venue d'un enfant alors que je ne croyais plus à ce miracle. Il sentit soudain quelque chose palpiter en lui : il va avoir un enfant ! Il va être papa ! Comment réagissaient les futurs papas ? Il s'approche d'Ilhem et la soulève dans ses bras pour la serrer fortement contre lui : -Oh ! ma chérie ! Tu ne peux pas savoir à quel point tu me rends heureux. Si heureux que je ne sais plus si je dois rire, pleurer ou me rouler par terre en criant ma joie à la face du monde. J'ai tellement... tellement attendu ce moment que j'ai fini par croire qu'il n'arrivera jamais. Emu jusqu'aux tréfonds de lui-même, il ne put s'empêcher de laisser échapper ses larmes, dont quelques gouttes tombèrent sur le visage d'Ilhem... Elle se laisse aller contre lui et essuie elle aussi les yeux, avant de se moucher bruyamment. -J'ai vraiment cru que tu n'étais pas très chaud à l'idée d'avoir un enfant de moi... Heu... bien sûr, tu pensais aussi à Mordjana. Il prend une lente inspiration puis la redépose pour se laisser tomber sur une chaise avant de lancer d'une voix où brillait l'émotion : -Mes pensées ont fait le tour de mes horizons... Je voyais Mordjana avec notre fils adoptif, puis toi avec mon enfant, puis tous ceux qui me sont proches et qui me reprochaient muettement ma stérilité et aussi ceux qui se réjouissaient de ma détresse... Mais crois-moi, je vais changer toutes ces données... Je vais reconnaître notre enfant. Veux-tu m'épouser, Ilhem ? Acceptes-tu d'être ma femme pour le meilleur et pour le pire ? Elle relève ses yeux noyés de larmes : -C'est le moment que j'avais attendu avec tant d'espoir toute ma vie. Elle s'assoit et boit quelques gorgées d'eau avant de poursuivre : -J'ai passé des nuits blanches à penser à nous... À faire des projets pour un avenir en commun... Je voyais courir nos enfants dans un jardin fleuri, ou endormis dans des chambres jonchées de livres en couleurs et de jouets. Oh ! Samir... Combien j'ai rêvé de ces moments... Parfois, le rêve m'emportait plus loin... Je nous voyais installés dans une grande et belle maison que nous aurions nous-mêmes conçue à la taille de nos ambitions et je me disais que toutes ces utopies pourraient devenir réalité si tu acceptais de les partager avec moi. Il hoche la tête : -Désormais, nous allons affronter ensemble la vie... Tu vas devenir ma femme Ilhem et tous les rêves sont permis... Elle garde le silence quelques minutes, puis lance d'une petite voix : -Je ne veux pas t'épouser, Samir... -Hein... ? - Oui... Tu as bien entendu... Je ne veux pas t'épouser... Tu es déjà marié. Je vais garder cet enfant, mais je refuse ce mariage... Hébété par cette réponse inattendue, Samir se lève d'un bond : -Mais c'est insensé... Comment veux-tu que je reconnaisse cet enfant si je ne t'épouse pas ? -Je ne te demande pas de le reconnaître officiellement... Plus tard, lorsqu'il aura l'âge de comprendre, je te promets de lui dévoiler toute l'histoire... Mais en ce qui concerne l'état civil, je vais lui donner mon nom de jeune fille... -Et pour tes parents et ta famille... ? Comment vas-tu expliquer ta grossesse ? Elle hausse les épaules : -Je leur dirais que je me suis mariée religieusement... Tiens... pourquoi n'y avons-nous pas pensé plus tôt ? Je serai ta seconde épouse devant Dieu et les hommes, sans toutefois passer par l'état civil. -Mais ce n'est pas ce que je veux moi ! Voyons Ilhem... Je rêvais d'avoir un enfant... Et maintenant que je suis sur le point d'être père, tu veux fausser tous les calculs de la nature. Pourquoi refuses-tu donc de m'épouser ? C'était pourtant un projet de longue date entre nous... Y. H. (À suivre)