Les chiffres, qui commencent à être publiés par les institutions officielles, donnent déjà une idée de l'ampleur des déficits prévisibles qui affecteront gravement, pour cette année 2015, les échanges extérieurs de notre pays, sa balance des paiements comme le budget général de l'Etat. Selon le site Internet du ministère des Finances, le déficit budgétaire des trois premiers mois de 2015 s'élève à 457,2 milliards de dinars. Si le même rythme est maintenu pour toute l'année 2015, le déficit budgétaire annuel serait de 1 828,8 milliards de dinars. Selon certains experts, la ponction intégrale du déficit budgétaire de 2015, soit 1 828,8 milliards de dinars réduirait le montant du Fonds de régulation des recettes (FRR) à 2 579,2 milliards de dinars. Au même rythme et si rien n'est fait, le FRR s'épuisera en mai 2017. Par ailleurs, le déficit de la balance des paiements pourrait atteindre 30 milliards de dollars. Cependant, malgré cette situation alarmante, le gouvernement n'envisage pas pour l'heure de réviser la politique des subventions et de soutien aux prix, y compris ceux du carburant. Dans un entretien à l'APS, le ministre des Finances a assuré que l'abandon des subventions "n'est pas à l'ordre du jour", en insistant toutefois sur la nécessité d'arrêter le gaspillage des ressources de l'Etat et de tous les produits soutenus. "Nous allons continuer à dépenser mais nous devons veiller à gaspiller moins (...). Nous devons arrêter de gaspiller tous ces produits et ressources qui sont soutenus par l'Etat : sucre, huile, farine, électricité et carburant", insiste-t-il. Il explique que malgré la dégringolade des cours du brut, l'Algérie dispose encore d'une marge de manœuvre pour faire face à cette situation. Mais pour combien de temps encore ? Selon le plaidoyer du Forum des chefs d'entreprise (FCE), "Pour l'émergence de l'économie algérienne", pour l'année 2014, les sommes consacrées au soutien des prix et aux diverses subventions (transferts sociaux) se chiffraient à 60 milliards de dollars, soit 30% du PIB. Plus de 1 700 milliards de dinars vont aux produits alimentaires. "Cet effort national ne peut être soutenu au même rythme, avec la même ampleur, au moment où les prix des hydrocarbures connaissent une baisse sans précédent", estime le FCE. Le montant important consacré aux subventions, notamment aux produits énergétiques "rend inéluctable une remise à plat profonde, dans une période où la position budgétaire de notre pays est extrêmement délicate, et à court terme intenable", estiment des économistes. Selon l'économiste Mouloud Hédir, le pointage précis, pour la première fois dans un document public (loi de finances 2015), des subventions implicites à l'énergie suggère, de la part du ministère des Finances, un souhait de voir un début de changement de la politique publique à cet égard. Selon les prévisions de dépenses du budget 2015, les subventions implicites à l'énergie sont estimées à 2 080,5 milliards de dinars, soit environ 11% du produit intérieur brut, dont 818,2 milliards de dinars pour les carburants, 684,2 milliards pour l'électricité et 66,9 milliards de dinars pour le gaz naturel. Les subventions alimentaires budgétisées ont atteint 225,5 milliards de dinars. Le gouvernement a commencé à agir en introduisant dans la loi de finances complémentaire 2015 la carte carburant. Si toutes les raisons militent pour un ajustement progressif des prix, il est clair que les mesures à prendre peuvent s'avérer politiquement malaisées. En tout état de cause, ce sera là un véritable test de la volonté de réforme de la part du gouvernement et de la manière dont il devra inévitablement faire face aux conséquences budgétaires de la baisse prévisible des recettes. M. R.