Comme attendu, la baisse des cours du baril de brut et par ricochet des revenus issus des hydrocarbures, s'est traduite par le creusement du déficit budgétaire. Baisse des recettes et hausse des dépenses ont induit un creusement du déficit budgétaire, lequel augmente de près de 55% en passant de près de 467 milliards DA en avril 2014, à plus de 722 milliards DA en 2015, le Fonds de régulation des recettes n'ayant pas été alimenté durant cette période. Il est clair que la baisse des revenus du secteur des hydrocarbures et de la fiscalité pétrolière recouvrée y est pour beaucoup. Selon les chiffres de la Direction des prévisions et des politiques attachée au ministère des Finances, celle-ci a baissé de plus de 36% entre avril 2014 et avril 2015, passant de plus de 1241 milliards DA à près 800 milliards DA en une année. Une baisse que l'augmentation des ressources ordinaires (+30%), n'arrive pas à combler. A contrario, le gouvernement semble avoir du mal à maîtriser les dépenses, lesquelles ont augmenté durant les quatre premiers mois de l'année en cours, poussées notamment pas les dépenses de fonctionnement. L'instruction du Premier ministre exhortant les différents départements à réduire leurs dépenses de fonctionnement ne semble pas avoir eu l'effet escompté. Ainsi et au-delà des transferts sociaux que le gouvernement tient à maintenir, le budget de fonctionnement enfle d'année en année.Selon les chiffres du ministère des Finances, les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 14% durant les quatre premiers mois de 2015 comparativement à la même période. En contrepartie, ce sont les dépenses d'équipement qui supportent le contrecoup de la crise. Celles-ci ont baissé de près de 17% en avril 2015. Les pouvoirs publics semblent ainsi s'appuyer sur la réduction des investissements publics, pourtant seuls moteurs de la croissance et de la création d'emploi dans notre pays pour faire face à la crise. Serait-ce pour autant une solution pérenne ? Rien ne l'indique si l'on en croit les économistes de la Toulouse School of Economics, ceci d'autant plus qu'avec la reprise des forages de schiste américain et les pourparlers sur le nucléaire iranien qui permettrait une levée des sanctions et une reprise des exportations de pétrole perse ne sont pas pour alimenter l'optimisme sur les marchés pétroliers. Nour Meddahi, Raouf Boucekkine et Rafik Bouklia ont publié lundi une contribution faisant le bilan d'une année de «contre-choc pétrolier» et qui n'est pas pour rassurer. Déclarations contradictoires Cependant, ce qui semble attrister le plus les trois économistes, c'est l'attitude des pouvoirs publics face à la crise qui s'annonce. Pointant du doigt les «longs mois d'atonie» ayant précédé une prise de parole pour un «discours de vérité», MM. Meddahi, Boucekkine et Bouklia regrettent les déclarations contradictoires ayant suivi le discours du 30 mars du Premier ministre, et qui devait «renvoyer à la population la gravité de la situation, et partant, la nécessité d'ajustements douloureux». En cause, des responsables effarouchés à chaque fois qu'il s'agit d'initier le débat autour de questions essentielles, comme les subventions ou encore la valeur du dinar algérien. A ce propos justement, les trois économistes s'étonnent de voir un responsable de la Banque centrale «s'excuser, au nom de son institution, d'avoir dû actionner la baisse de notre monnaie nationale (…). Pourtant, en l'occurrence, la BA n'a pas à s'excuser de faire son travail, et doit assumer cette baisse qu'aucun économiste sérieux ne peut désavouer», ceci d'autant que le dinar est surévalué. Faisant le comparatif avec les monnaies d'autres pays exportateurs de pétrole, les économistes considèrent que le dinar a moins baissé que la couronne norvégienne par rapport au dollar et à l'euro. Abordant le thème très controversé des subventions, MM. Meddahi, Boucekkine et Bouklia rappellent qu'au-delà de leur montant «ahurissant», c'est l'efficacité de ces subventions qui laisse à désirer. Ils rappellent ainsi que «la moitié la moins aisée de la population reçoit 28% des subventions totales ; le reste, soit 72%, va chez la moitié la plus aisée». Ils se penchent également sur la question de la lutte contre l'informel et les lobbies de l'import en pointant du doigt «l'effet de voracité», et «l'existence de certaines dispositions fiscales favorables aux importateurs». Ils s'interrogent sur l'intérêt de plafonner les importations de véhicules à 400 000 unités, alors que la baisse du dinar suffirait à assurer cette limite, et dénoncent ainsi l'inconstance des pouvoirs publics dans la lutte contre les lobbies de l'import qui «traduit finalement encore une fois l'absence d'un plan global et bien articulé décrivant les lignes directrices d'un programme réel de limitation des importations et en soulignant les logiques économiques et/ou politiques sous-jacentes». Les trois économistes considèrent que «ces débats sont nécessaires pour peu qu'ils débouchent à court terme sur une politique économique cohérente et visionnaire, et ne restent pas lettre morte sous les coups de boutoir des mille et un lobbys, internes et externes, encore très actifs». Et d'ajouter que «la détérioration des positions budgétaire et extérieure de l'Algérie est si grave que des actions fermes et bien articulées sont urgemment requises». Les chiffres font peur : le déficit «budgétaire des trois premiers mois de 2015 s'élève à 457,2 milliards DA. Si le même rythme est maintenu pour toute l'année 2015, le déficit budgétaire annuel sera de 1828,8 mds DA» et représentera 41,5% du Fonds de régulation des recettes. A ce rythme, le FRR sera épuisé en mai 2017. Le déficit de la balance commerciale sera de 16 milliards de dollars en 2015, tandis que celui de la balance des paiements pourrait atteindre 30 milliards de dollars, si l'on comptabilise les «4 milliards de dollars de l'opération Djezzy et une douzaine de milliards de dollars pour les services et les transferts de dividendes des sociétés étrangères».