Cinq ans après le décès de Lakhdar Bentobal, Slimane Bentobal, de son vrai nom, ou "Si Abdallah", de son nom révolutionnaire, le 21 août 2010 à l'âge de 87 ans des suites d'une longue maladie, ses mémoires, écrites dans les années 1980, sont toujours censurées. Le sujet relève du tabou au sein de la petite famille de Lakhdar Bentobal à laquelle le défunt dirigeant de la Révolution a confié ses mémoires pour les faire publier après sa mort. Joint par téléphone, son fils Khaled, qui vient de publier une tribune libre dans les colonnes de Liberté pour se plaindre auprès du pouvoir en place du fait que son père soit omis des commémorations officielles et pour quémander auprès de ce même pouvoir d'intégrer son nom dans le répertoire des noms de rues et des pierres, s'est refusé à toute explication quant aux raisons qui empêchent la famille de publier les mémoires de son père. Se contentant d'une réponse laconique qui ne veut rien dire : "La famille a décidé, de manière collégiale, de ne pas communiquer sur le sujet (les mémoires, ndlr), jusqu'à nouvel ordre." On ne sait ce que signifie ce "nouvel ordre". Peut-être attendre jusqu'à ce que les personnalités que les vérités de "Si Abdallah" dérangent ne soient plus de ce monde. Néanmoins, il convient de rappeler que les mémoires de l'ancien ministre de l'Intérieur du premier Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) ont été écrites par l'historien Daho Djerbal, qui y a travaillé de décembre 1980 jusqu'en juillet 1986, et que le texte n'a pu être publié parce que "les responsables de la Société nationale d'édition et de diffusion (Sned) de l'époque, a souligné l'historien lors d'une conférence donnée en mai 2008 au Centre culturel français de Constantine (actuel Institut français), ont exigé que les noms de certaines personnalités influentes qui étaient alors au pouvoir soient effacés, parce que le texte invalide leur légitimité et touche à leurs intérêts". Dans sa tribune libre, le fils de Bentobal a estimé que, de par son passé historique, son père appartient à tous les Algériens, dénonçant au passage les manipulations de l'Histoire officielle. Ainsi, et si on reconnaît aux Algériens ce droit sur "père Bentobal" et celui à connaître toute la vérité sur l'histoire de leur Révolution, pourquoi leur cacher une partie de cette vérité ? Feu Bentobal a veillé à ce que cette partie de la vérité soit écrite, et il a sollicité les services d'un historien qu'il a mobilisé six ans durant pour le faire ? Priver les Algériens de ce texte est un manque de respect de la volonté du défunt père. Ne faudra-t-il pas respecter ses dernières volontés en publiant ses mémoires avant de prétendre défendre sa mémoire ? Membre du Conseil national de la Révolution et plusieurs fois ministres du GPRA, Lakhdar Bentobal, qui n'a pas eu à occuper des fonctions politiques après l'Indépendance, aura révélé dans ses mémoires déclinées en deux tomes, et dont le récit s'arrête en juillet 1962, beaucoup de choses sur son activité militante au PPA et son bras armé, l'Organisation spéciale (OS), sur l'histoire de la Wilaya II historique où il a eu à diriger une zone sous le commandement Zighoud Youcef, sur les négociations aux Rousses et à Evian. Mais, surtout sur l'assassinat d'Abane Ramdane. L. H.